La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 30 décembre 2025, statue sur l’admissibilité du recours d’une entreprise tierce contre une opération de concentration. Ce litige trouve sa source dans un transfert complexe d’actifs entre deux importants opérateurs du secteur énergétique, autorisé par l’autorité compétente de l’Union. Une société de production d’électricité estime que cette décision affecte négativement ses investissements futurs et sa position concurrentielle sur le marché national. Le Tribunal de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 17 mai 2023, déclare cependant la demande initiale irrecevable pour défaut de qualité pour agir. Les juges de première instance retiennent que la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision de compatibilité malgré ses craintes économiques.
L’entreprise concernée introduit alors un pourvoi devant la haute juridiction afin d’obtenir l’annulation de cette décision juridictionnelle pour plusieurs vices de forme. Elle soutient notamment que les magistrats ont dénaturé les faits et méconnu l’obligation de motivation pesant sur toute juridiction de l’Union européenne. La problématique juridique repose sur la définition de l’intérêt individuel des tiers et sur l’étendue du contrôle de motivation exercé par le juge d’appel. La Cour de justice décide d’annuler l’arrêt attaqué pour défaut de motivation mais statue elle-même sur le litige en confirmant l’irrecevabilité du recours.
I. La censure de l’arrêt du Tribunal pour insuffisance de motivation
A. L’obligation de répondre aux arguments relatifs à l’affectation du marché La Cour de justice relève que le juge de première instance s’est borné à constater l’absence de circonstances particulières sans examiner les preuves soumises. Elle souligne que « le Tribunal n’a fourni aucun élément de motivation, même succinct, permettant […] à la requérante de comprendre si les arguments […] ont été examinés ». Cette omission constitue une violation caractérisée des règles statutaires relatives à l’obligation de motivation incombant aux juridictions de premier ressort. Cette exigence de clarté est essentielle pour permettre aux parties de connaître les raisons du rejet de leurs prétentions économiques et juridiques.
B. La confirmation du faisceau d’indices pour caractériser l’intérêt individuel La juridiction rappelle que l’intérêt individuel s’apprécie selon « un faisceau d’indices concordants ou de faits pouvant porter tant sur la participation […] que sur l’affectation ». Cette approche jurisprudentielle constante impose d’analyser conjointement le rôle procédural de l’entreprise et les conséquences matérielles concrètes de l’acte sur son activité. Le Tribunal de l’Union européenne ne pouvait donc pas écarter la recevabilité sans expliquer pourquoi les investissements invoqués ne constituaient pas une situation particulière. La Cour censure logiquement ce manque de rigueur analytique afin de garantir le droit à une protection juridictionnelle effective pour les tiers.
II. Le rejet du recours par l’évocation du fond de l’affaire
A. La nécessaire preuve d’une affectation substantielle de la position concurrentielle La Cour de justice utilise sa faculté d’évocation pour trancher définitivement la question de la recevabilité de la requête initialement déposée par l’entreprise. Elle affirme que « la seule circonstance qu’un acte […] soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence […] ne saurait […] suffire ». L’entreprise doit démontrer que sa situation est individualisée de manière analogue à celle du destinataire de la décision de l’autorité administrative. Les simples particularités du marché ou le volume des effectifs salariés ne permettent pas de distinguer singulièrement la requérante de ses autres concurrents.
B. L’insuffisance de la participation administrative pour établir la qualité pour agir L’examen des faits révèle que l’entreprise n’a pas participé activement à la procédure d’enquête de marché menée par les services de l’institution compétente. La Cour précise que « même une participation active à la procédure administrative […] ne saurait être considérée comme étant suffisante » pour établir l’intérêt individuel. Le simple cofinancement d’une étude économique soumise par des tiers ne confère pas une qualité particulière justifiant l’accès au juge de l’annulation. Le recours est donc rejeté comme irrecevable car la requérante n’apporte pas la preuve d’une atteinte substantielle et singulière à sa position économique.