Cour de justice de l’Union européenne, le 26 mai 2016, n°C-550/14

Une société spécialisée dans le commerce de métaux précieux acquiert vingt-quatre lingots issus de la fonte de débris divers. Ces produits contiennent des métaux usagés et des résidus industriels dont la teneur en or varie entre cinq cents et six cents millièmes. L’administration fiscale refuse la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée initialement versée au fournisseur par l’acquéreur. Elle considère que ces biens relèvent du mécanisme de l’autoliquidation prévu pour les livraisons d’or sous forme de matière première. La commission fiscale nationale confirme la décision de l’administration fiscale par une ordonnance rendue le 24 mai 2012. Le tribunal de Helsingør rejette ensuite le recours formé par la société dans un jugement du 25 février 2014. L’assujetti conteste cette analyse devant les juridictions supérieures en revendiquant la qualification de déchets métalliques pour ces produits.

La Cour d’appel de la région Est, à Copenhague, interroge la Cour de justice de l’Union européenne par une décision du 26 novembre 2014. La juridiction de renvoi cherche à savoir si des lingots de débris métalliques entrent dans le champ d’application du régime spécifique de l’or. Dans son arrêt du 26 mai 2016, la Cour juge que l’article 198 de la directive 2006/112 s’applique au-delà de trois cent vingt-cinq millièmes. L’analyse de cette solution impose d’étudier l’identification du régime de l’or par le critère de la pureté (I) avant d’apprécier la finalité répressive de cette qualification (II).

**I. L’identification du régime de l’or par le critère de la pureté**

**A. La qualification juridique de l’or brut ou semi-ouvré**

La Cour de justice précise les contours de la notion d’or sous forme de matière première ou de produits semi-ouvrés. Elle souligne que le libellé de la directive ne permet pas de déterminer un stade précis de transformation des produits. Les juges retiennent que l’exigence de pureté minimale de trois cent vingt-cinq millièmes d’or constitue l’élément déterminant de la qualification. Ils affirment que « le degré de pureté en or du bien concerné est décisif aux fins de déterminer si une livraison d’or […] relève ou non de l’article 198 ». Cette approche privilégie une définition matérielle centrée sur la composition intrinsèque du produit plutôt que sur son apparence ou son origine. La teneur en métaux précieux l’emporte ainsi sur le caractère hétérogène de l’alliage composé de résidus divers et de substances toxiques.

**B. L’exclusion de la qualification de déchets métalliques**

La société requérante soutenait que les lingots constituaient des déchets relevant d’un régime fiscal distinct dont les modalités étaient moins contraignantes. Elle faisait valoir que ces produits nécessitaient un traitement complexe pour séparer les métaux des éléments non métalliques avant toute utilisation. La Cour reconnaît que les biens pourraient théoriquement entrer dans la catégorie des matériaux usagés visée par l’annexe VI de la directive. Toutefois, elle écarte cette qualification en raison du caractère spécifique des dispositions relatives à l’or par rapport au régime général des débris. Les juges considèrent l’article 198 comme une « lex specialis ayant trait aux produits spécifiques visés par ses termes ». La présence massive d’or absorbe la qualification de déchet au profit d’un régime protecteur des intérêts financiers des États membres.

**II. La finalité répressive au service de l’efficacité du système commun de TVA**

**A. La prépondérance de la lutte contre la fraude fiscale**

Le mécanisme de l’autoliquidation déroge au principe selon lequel la taxe est due par l’assujetti effectuant la livraison de biens. Cette exception se justifie par la volonté de simplifier les règles et de lutter contre l’évasion fiscale dans certains secteurs sensibles. La Cour relève que la valeur marchande élevée de l’or par rapport à sa taille favorise grandement les risques de fraude. Elle précise que « le risque de fraude fiscale est d’autant plus important que la teneur en or de ce bien est élevée ». L’application de l’article 198 permet ainsi de désigner l’acquéreur comme redevable pour prévenir les disparitions frauduleuses de fournisseurs insolvables. L’objectif sécuritaire prime ici sur la nature technique du processus industriel de récupération des métaux précieux.

**B. Une interprétation extensive confortant la sécurité juridique**

L’interprétation retenue par les juges assure une application uniforme du droit de l’Union européenne malgré les divergences entre les versions linguistiques. Elle évite que des produits à forte valeur échappent au contrôle fiscal sous couvert d’une dénomination technique de déchets. La Cour protège la pleine réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude spécifiquement poursuivi par le législateur de l’Union. Elle refuse une interprétation stricte qui porterait « atteinte à la pleine réalisation de cet objectif de lutte contre la fraude fiscale ». Cette décision offre une grille de lecture claire aux opérateurs économiques en liant le régime fiscal au seul seuil de pureté. La solution garantit la stabilité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée face aux montages complexes utilisant des métaux de récupération.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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