Cour de justice de l’Union européenne, le 26 novembre 2014, n°C-103/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 26 novembre 2014 un arrêt fondamental concernant l’équilibre institutionnel et la politique commune de la pêche. Le litige portait sur la validité d’une décision approuvant l’attribution de droits de pêche dans les eaux territoriales d’un État membre. Un État tiers exerçait des activités de capture au large d’un territoire ultramarin depuis plusieurs décennies sur le fondement de règlements annuels successifs. L’institution exécutive a souhaité régulariser cette situation juridique en proposant la conclusion d’un accord international formel basé sur la procédure législative ordinaire.

L’institution défenderesse a toutefois modifié la base juridique initialement suggérée pour retenir une procédure excluant l’approbation de l’assemblée parlementaire élue. Les requérants ont alors saisi les juges afin d’obtenir l’annulation de cet acte pour violation des traités et méconnaissance des prérogatives législatives. Ils soutenaient que l’octroi d’un accès aux ressources halieutiques ne relevait pas d’une simple mesure technique d’exécution mais d’une décision politique majeure.

La question de droit soulevée consistait à déterminer si l’approbation d’une offre d’accès aux eaux territoriales relève de la simple fixation des possibilités de pêche. La juridiction décide que de telles mesures supposent un choix politique autonome nécessitant l’intervention du législateur selon la procédure de droit commun. Elle prononce ainsi l’annulation de la décision attaquée tout en décidant de maintenir provisoirement ses effets juridiques pour garantir la sécurité des opérateurs.

I. La délimitation des compétences législatives en matière halieutique

A. La nature politique de l’accès aux ressources biologiques La Cour précise la portée de l’article quarante-trois du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en distinguant les orientations générales des modalités d’application. Elle souligne que « l’adoption des dispositions prévues à l’article 43, paragraphe 2, TFUE suppose obligatoirement une appréciation relative au point de savoir si elles sont nécessaires ». Cette analyse implique un pouvoir discrétionnaire politique qui doit demeurer réservé au législateur européen selon les procédures démocratiques habituelles.

Les juges considèrent que l’offre faite à un État tiers de participer à l’exploitation des ressources biologiques n’est pas une simple mesure technique. Une telle décision nécessite de prendre en compte « des éléments de politique bilatérale » ainsi que la capacité du partenaire à respecter les normes de conservation. Ces critères excèdent le cadre de l’exécution prévu au paragraphe trois du même article, lequel se limite aux actes dépourvus d’appréciation politique réelle.

B. L’existence d’un accord international soumis au contrôle démocratique Le raisonnement juridique s’appuie également sur la nature conventionnelle de l’engagement pris par l’Union européenne envers la puissance étrangère sollicitée pour la pêche. La Cour observe que « l’expression des volontés concordantes de l’État côtier et de l’État intéressé constitue un accord » au sens du droit international public. Cette qualification est indépendante de la forme de l’instrument utilisé, qu’il s’agisse d’un document commun ou d’un échange de déclarations.

Dès lors que l’acte approuvé constitue le volet d’un accord international, il doit suivre les règles procédurales spécifiques aux engagements extérieurs de l’Union. Le juge affirme que « cette déclaration relève de l’article 218 TFUE » car elle exprime un engagement ayant force obligatoire pour les sujets de droit international. Cette approche garantit la cohérence entre les compétences internes de l’institution et ses capacités d’action sur la scène mondiale.

II. La sanction de la base juridique et la préservation de la continuité économique

A. La protection nécessaire des prérogatives de l’assemblée parlementaire L’annulation de la décision litigieuse sanctionne principalement le choix d’une base juridique erronée ayant eu pour effet d’écarter le contrôle de l’assemblée élue. La Cour rappelle que le consentement parlementaire est impératif pour les accords couvrant des domaines soumis à la procédure législative ordinaire. En fondant l’acte sur une disposition non législative, l’autorité a « méconnu les prérogatives institutionnelles » essentielles au maintien de l’équilibre des pouvoirs.

Cette protection des droits du Parlement assure que les décisions impactant durablement les ressources naturelles de l’Union fassent l’objet d’un débat démocratique complet. L’arrêt confirme que la procédure législative ordinaire constitue la règle générale dont l’application ne peut être éludée par une interprétation extensive des dérogations. La transparence des processus décisionnels se trouve ainsi renforcée par l’obligation de solliciter l’avis conforme des représentants des citoyens européens.

B. Le maintien exceptionnel des effets juridiques de l’acte annulé Malgré l’illégalité constatée, les juges décident de ne pas provoquer de rupture brutale dans l’ordre juridique afin de préserver les intérêts économiques locaux. Ils estiment que « l’annulation avec effet immédiat de ladite décision serait susceptible d’affecter une telle continuité » d’approvisionnement des industries de transformation territoriales. Cette solution pragmatique vise à éviter des conséquences négatives graves pour les pêcheurs et les entreprises dépendant de ces ressources.

La sécurité juridique justifie que la Cour puisse « indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs » provisoirement. Les effets de la décision sont donc maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel acte fondé sur la base juridique correcte. Ce tempérament illustre la volonté de concilier le respect strict de la légalité institutionnelle avec les réalités matérielles des territoires concernés par le litige.

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Hassan KOHEN
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