La Cour de justice de l’Union européenne rejette, le 20 décembre 2017, les pourvois formés contre une décision du Tribunal relative à des pratiques anticoncurrentielles. Plusieurs entreprises spécialisées dans le secteur de l’acier de précontrainte s’étaient vu infliger des amendes significatives pour leur participation prolongée à une entente illicite. Après le rejet d’une première demande de réduction d’amende, les sociétés requérantes ont sollicité un nouvel examen en invoquant leur absence de capacité contributive. Elles s’appuyaient notamment sur des accords de refinancement complexes et sur le décès de l’actionnaire physique contrôlant le groupe sidérurgique concerné. La Commission a écarté cette seconde demande par une lettre administrative en soulignant que la situation financière globale des entreprises s’était en réalité améliorée. Le Tribunal de l’Union européenne a déclaré irrecevables les recours dirigés contre cette lettre, ce qui a conduit les requérantes à saisir la Cour. Le litige porte sur l’obligation pour l’administration de réexaminer une décision pécuniaire définitive lorsque des éléments financiers nouveaux sont invoqués par les parties. La Cour confirme que seule l’existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d’une telle demande de réexamen auprès de l’institution. Elle précise qu’un fait ne modifiant pas de façon substantielle la situation de l’entreprise ne permet pas de critiquer le refus de la Commission.
I. La confirmation du régime restrictif du réexamen des décisions de concurrence
A. L’exigence impérative de faits nouveaux et substantiels
La Cour rappelle fermement qu’une lettre envoyée en réponse à une demande ne constitue pas systématiquement un acte susceptible de faire l’objet d’un recours. Pour qu’un réexamen d’une décision définitive soit justifié, la jurisprudence exige de manière constante « l’existence de faits nouveaux substantiels » modifiant la situation du requérant. En l’espèce, les sociétés requérantes soutenaient que le point 35 des lignes directrices de 2006 imposait une obligation de suivi de leur situation financière. Le juge de l’Union rejette cette interprétation extensive en soulignant qu’aucune règle de droit n’oblige la Commission à assurer une veille constante après l’amende. Cette position protège la stabilité des actes administratifs devenus définitifs tout en réservant l’hypothèse exceptionnelle d’un bouleversement imprévisible de la viabilité économique de l’entreprise.
B. L’exclusion de l’amélioration financière comme cause de réexamen
Le Tribunal a souverainement constaté que les éléments avancés par les entreprises révélaient principalement une amélioration de leur situation financière par rapport à la décision initiale. La Cour valide ce raisonnement en jugeant que des faits attestant d’une santé économique renforcée ne peuvent être considérés comme « susceptibles de modifier de façon substantielle » l’appréciation. Si la situation des requérantes s’améliore, le danger irrémédiable pour leur viabilité, condition sine qua non de la réduction de l’amende, s’estompe nécessairement avec le temps. La Commission n’était donc nullement tenue de procéder à un examen complet des nouvelles pièces comptables dès lors que le sens de l’évolution financière était favorable. Les arguments tirés de la conclusion d’accords de refinancement ou de changements dans l’actionnariat n’ont pas suffi à démontrer une dégradation réelle du patrimoine.
II. La protection de la sécurité juridique et des prérogatives de la Commission
A. Le caractère non décisionnel de la simple lettre de réponse
La Cour de justice confirme que la réponse administrative par laquelle la Commission refuse de rouvrir le dossier ne constitue pas un acte juridique attaquable. Puisque les conditions du réexamen n’étaient pas remplies, cette lettre se borne à confirmer la décision initiale sans créer d’effets de droit nouveaux. Le juge de l’Union doit simplement vérifier que l’institution n’invoque pas indûment l’absence de faits nouveaux pour se soustraire à son devoir de réévaluation. Cette vérification sommaire permet d’éviter que des décisions définitives soient perpétuellement remises en cause par le biais de simples courriers de sollicitation. L’irrecevabilité du recours en annulation s’impose dès lors que le refus de statuer à nouveau ne modifie pas substantiellement l’ordonnancement juridique existant.
B. La primauté de la décision définitive sur les garanties procédurales
Les requérantes invoquaient une violation de leurs droits de la défense en soutenant qu’elles auraient dû être entendues avant le rejet de leur seconde demande. La Cour écarte ce moyen en rappelant que la question du caractère attaquable de l’acte est un préalable nécessaire à l’examen du fond. Si l’acte ne présente pas de caractère décisionnel, les éventuels griefs relatifs à la procédure suivie pour son adoption deviennent par conséquent inopérants devant le juge. « La prise de position sur cette demande par laquelle la Commission avait refusé de procéder à un nouvel examen de cette capacité ne présente pas de caractère décisionnel ». Cette solution interdit aux entreprises d’utiliser les droits procéduraux comme un levier pour forcer la réouverture de débats clos par une décision de justice. La sécurité juridique l’emporte ainsi sur la volonté des parties de renégocier le montant des sanctions après l’expiration des délais de recours.