Cour de justice de l’Union européenne, le 26 septembre 2013, n°C-539/11

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 septembre 2013, une décision portant sur l’interprétation de la liberté d’établissement. Une autorité municipale a accordé à une société une autorisation permanente pour l’exploitation d’un magasin d’optique sur son territoire. Cette décision méconnaissait une loi régionale de 2004 imposant des limites démographiques d’un établissement pour 8000 habitants et une distance minimale de 300 mètres. Une entreprise concurrente a contesté cet acte devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia qui a rejeté le recours le 18 mars 2010. Saisie en appel, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de ces restrictions avec l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le problème de droit concerne la faculté pour un État membre de limiter l’implantation des opticiens pour garantir une répartition équilibrée de l’offre. La Cour affirme que de telles restrictions sont admissibles si elles poursuivent de manière cohérente et systématique un objectif de protection de la santé publique. La reconnaissance de la légitimité des mesures de planification sanitaire précède l’exigence impérative d’une mise en œuvre cohérente et transparente des restrictions territoriales.

I. La validité théorique d’une planification territoriale de l’activité d’opticien

A. L’assimilation de l’activité d’opticien à un service de soins de santé

La juridiction européenne examine d’abord si les activités exercées par les opticiens relèvent effectivement du domaine de la protection de la santé humaine. Elle distingue les tâches purement techniques et commerciales de celles consistant à évaluer ou à corriger les déficiences visuelles des patients. La Cour affirme qu’un opticien traitant des troubles visuels par des moyens de correction optique « exerce une activité relevant de la protection de la santé publique ». Or, cette qualification permet d’exclure l’application de la directive relative aux services tout en justifiant des entraves aux libertés économiques fondamentales. L’objectif de santé publique constitue une raison impérieuse d’intérêt général autorisant un État membre à déroger au principe de libre établissement.

B. La licéité des restrictions démographiques et géographiques proportionnées

La Cour admet que les autorités nationales peuvent organiser une planification pour éviter une concentration des prestataires dans les zones les plus rentables. Elle estime qu’un ratio entre la population et le nombre de magasins favorise une répartition équilibrée de l’offre de soins sur le territoire. Les juges considèrent ainsi que « les autorités nationales ont la faculté d’adopter une réglementation qui prévoit qu’un seul prestataire de soins de santé peut s’établir ». Cette planification vise à stimuler l’implantation des professionnels dans les secteurs géographiques où l’accès aux prestations demeure traditionnellement lacunaire ou insuffisant. Enfin, l’imposition d’une distance minimale entre les établissements accroît la proximité du service pour les patients et participe à la protection sanitaire globale.

II. La soumission de la restriction aux exigences de cohérence et d’objectivité

A. Le risque d’incohérence né du pouvoir discrétionnaire des autorités locales

Le juge européen tempère sa solution en soulignant que la réglementation nationale doit impérativement répondre à un souci de cohérence et de système. Il relève que la loi régionale prévoit des régimes d’autorisation différents selon le nombre d’habitants résidant dans les communes concernées. Néanmoins, une telle distinction risque d’aboutir à un accès inégal aux services d’optique selon les zones géographiques de la région sicilienne. La Cour pointe également le pouvoir discrétionnaire important des autorités municipales pour apprécier l’existence d’exigences territoriales démontrées justifiant des dérogations. Par ailleurs, la participation de concurrents directs au processus d’avis obligatoire pour l’ouverture de nouveaux magasins renforce le risque d’une application partiale.

B. L’obligation d’une mise en œuvre transparente fondée sur des critères systématiques

La validité finale de la mesure de restriction dépend de la capacité du juge national à vérifier l’objectivité des critères de planification. La Cour rappelle que les règles ne sont propres à garantir l’objectif recherché que si elles sont appliquées de manière non discriminatoire. Elle précise que « la législation nationale dans son ensemble doit répondre véritablement au souci d’atteindre l’objectif d’une manière cohérente et systématique ». Il incombe dès lors au Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione Siciliana d’analyser les données statistiques pour s’assurer de l’utilité réelle des quotas. Cette vérification juridictionnelle garantit que les limites à la liberté d’établissement ne servent pas des intérêts corporatistes au détriment de la santé.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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