Cour de justice de l’Union européenne, le 26 septembre 2018, n°C-180/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 26 septembre 2018 un arrêt préjudiciel relatif à l’interprétation du droit à un recours effectif. Deux ressortissants étrangers ont contesté les décisions administratives rejetant leurs demandes de protection internationale et leur imposant une obligation de quitter le territoire. Le tribunal de la Haye a rejeté leurs recours initiaux par des jugements confirmant la légalité des mesures d’éloignement prises par l’autorité compétente. Les intéressés ont ensuite interjeté appel devant le Conseil d’État des Pays-Bas pour contester ces solutions juridiques rendues en première instance. La réglementation nationale ne prévoit pas d’effet suspensif automatique pour cette procédure d’appel contrairement au recours exercé devant le premier juge. Les requérants ont sollicité des mesures provisoires afin de suspendre leur éloignement forcé durant l’examen de leur dossier au fond. La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de cette absence d’effet suspensif de plein droit avec les directives européennes. Le litige soulève la question de l’obligation d’un effet suspensif automatique lors d’un second degré de juridiction en matière d’asile. La Cour affirme que le droit de l’Union n’impose pas l’existence d’un double degré de juridiction pour ces demandes. L’absence d’effet suspensif pour l’appel ne contrevient pas aux exigences de la Charte des droits fondamentaux. L’étude de cette décision nécessite d’analyser l’affirmation de l’autonomie procédurale nationale avant d’envisager le maintien des garanties d’effectivité du recours.

**I. L’affirmation de l’autonomie procédurale concernant le second degré de juridiction**

**A. La reconnaissance limitée d’un droit unique à un recours juridictionnel**

L’article 46 de la directive 2013/32 impose aux États membres de garantir aux demandeurs d’asile un recours effectif devant une instance judiciaire. La Cour relève que cette exigence d’examen complet s’applique « au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance ». Le libellé des directives ne contient aucune disposition obligeant les autorités nationales à instaurer un deuxième degré de juridiction. Les objectifs de mise au point d’une procédure d’asile commune n’impliquent pas la création systématique d’une voie d’appel. Le juge luxembourgeois rappelle que la protection juridictionnelle est assurée dès lors qu’un premier juge a statué sur le fond. Cette interprétation stricte préserve la liberté des États membres dans l’organisation de leur propre système judiciaire administratif.

**B. L’exclusion de l’effet suspensif automatique pour les voies d’appel**

Puisque l’instauration d’un appel relève du choix de l’État, ses modalités d’exercice ne sont pas dictées par les directives relatives au retour. La Cour précise que le droit de l’Union ne prévoit pas que « l’exercice d’un tel droit soit assorti d’un effet suspensif de plein droit ». Les dispositions européennes n’imposent la suspension de l’exécution de la décision que durant le délai du recours initial. L’absence d’automatisme suspensif en appel permet de garantir la célérité et l’efficacité des politiques migratoires nationales. Cette souplesse procédurale ne remet pas en cause l’existence du recours effectif déjà pleinement consommé devant le tribunal de première instance. La validité de cette organisation nationale dépend néanmoins de sa conformité avec les standards supérieurs de protection des droits de l’homme.

**II. Le maintien des exigences d’effectivité liées à la protection fondamentale**

**A. La cohérence avec les standards de la Cour européenne des droits de l’homme**

La Cour de justice assure une protection équivalente à celle garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 47 de la Charte doit être interprété à la lumière de l’article 13 de la Convention selon la jurisprudence constante. Or, les juges de Strasbourg estiment que le droit conventionnel n’impose pas l’instauration d’un double degré de juridiction en matière d’éloignement. La protection inhérente au principe de non-refoulement est satisfaite par l’existence d’un seul recours suspensif devant une autorité judiciaire indépendante. Le droit au recours effectif « se limite à l’existence d’une voie de recours juridictionnelle » pour contester le risque de traitements inhumains. L’alignement sur ces standards internationaux justifie la solution retenue par le juge de l’Union concernant la procédure néerlandaise.

**B. L’encadrement par les principes d’équivalence et d’effectivité**

Les modalités procédurales nationales doivent impérativement respecter les principes d’équivalence et d’effectivité pour garantir la sauvegarde des droits individuels. Le principe d’équivalence interdit que les recours fondés sur le droit de l’Union soient moins favorables que les recours internes similaires. La juridiction nationale doit vérifier si d’autres domaines du droit administratif assortissent les appels d’un effet suspensif de plein droit. Le principe d’effectivité empêche quant à lui toute règle nationale de rendre impossible en pratique l’exercice des droits conférés par l’Union. L’absence d’effet suspensif automatique ne méconnaît pas l’effectivité dès lors que le demandeur a pu exposer ses griefs devant un juge. La Cour préserve ainsi un équilibre délicat entre l’autonomie des États membres et le respect des droits fondamentaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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