La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 26 septembre 2019, se prononce sur la légalité d’une sanction relative à une entente. Plusieurs entreprises du secteur des puces pour cartes se sont coordonnées afin de stabiliser leurs politiques tarifaires respectives lors de contacts bilatéraux fréquents. La Commission européenne a considéré que ces échanges d’informations constituaient une infraction unique et continue à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union. Après le rejet de leur recours par le Tribunal de l’Union européenne le 15 décembre 2016, les requérantes ont formé un pourvoi devant la Cour. Elles contestaient principalement la qualification de restriction par objet et le montant de l’amende infligée par l’autorité de concurrence au titre de la gravité. Le juge devait déterminer si l’échange d’informations sensibles sur les capacités de production suffit à caractériser une pratique anticoncurrentielle sans recherche de ses effets. La Cour rejette l’ensemble des moyens soulevés en confirmant que la coordination des comportements futurs présente un degré de nocivité suffisant pour le marché.
I. La rigueur de la qualification de restriction par objet
A. L’appréciation de la nocivité intrinsèque de l’échange d’informations Le juge européen rappelle que la restriction par objet suppose une coordination présentant « un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence ». Cette qualification dispense l’autorité de régulation de rechercher les effets concrets de la pratique sur les structures de prix ou sur les consommateurs finaux. En l’espèce, les discussions bilatérales portaient sur les intentions en matière de prix et les capacités de production disponibles au sein des différentes entités participantes. La Cour estime que de tels échanges permettent aux opérateurs de « ralentir la diminution des prix inhérente audit marché » en réduisant l’incertitude commerciale normale. L’analyse de la teneur de la coordination et du contexte juridique confirme que la nature même de ces contacts est incompatible avec l’autonomie décisionnelle.
B. L’indifférence du contexte économique et des intentions des parties Les requérantes soutenaient vainement que le Tribunal aurait dû procéder à une analyse exhaustive du contexte économique pour vérifier la nocivité réelle du comportement. Le juge précise qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les conséquences d’une pratique concertée dès lors que son objet anticoncurrentiel est formellement établi par les faits. L’argument fondé sur la nécessité d’adapter les prix à ceux d’un concurrent tiers n’est pas de nature à retirer son caractère illicite à la coordination. L’intention des parties ne constitue pas non plus un élément nécessaire pour déterminer si une pratique concertée restreint le jeu normal de la concurrence libre. La Cour valide ainsi une approche objective de l’infraction qui se fonde sur la potentialité de nuisance plutôt que sur la preuve d’un préjudice effectif.
II. La confirmation de la responsabilité et de la sévérité de la sanction
A. Le maintien de la qualification d’infraction unique et continue L’arrêt confirme que les participants à l’entente poursuivaient un objectif commun consistant à limiter les chutes de prix imposées par certains acteurs du marché. Cette qualification d’infraction unique et continue permet d’imputer à une entreprise la responsabilité de comportements mis en œuvre par d’autres membres de l’entente globale. Il suffit pour cela que l’entité ait eu « connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises » dans la même poursuite d’objectifs. La Cour rejette les griefs de dénaturation des preuves en soulignant que la transmission d’informations reçues d’un concurrent vers un autre caractérise la participation active. La cohérence du plan global justifie que les contacts ponctuels soient intégrés dans une vision systémique de la violation des règles de la concurrence européenne.
B. La validation du coefficient de gravité de la sanction pécuniaire La contestation du montant de l’amende portait sur le choix d’un coefficient de gravité de seize pour cent retenu par la Commission et validé. Le Tribunal est seul compétent pour apprécier la gravité d’un comportement illicite, sauf en cas d’erreur de droit ou de caractère manifestement disproportionné de l’amende. La nature horizontale de l’entente et son étendue géographique sur l’Espace économique européen justifient l’application d’un taux situé dans le haut de l’échelle. Le caractère bilatéral des contacts ou le rôle prétendument mineur des requérantes ne sauraient obliger le juge à réduire le coefficient de gravité retenu initialement. L’amende finale est ainsi maintenue par la Cour de justice qui refuse de substituer sa propre appréciation à celle du juge de pleine juridiction saisi.