Cour de justice de l’Union européenne, le 26 septembre 2024, n°C-432/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le vingt-six septembre deux mille vingt-quatre, précise l’étendue du secret professionnel de l’avocat. Un avocat a reçu une injonction de l’administration fiscale afin de communiquer des documents relatifs à une opération de prise de participation sociétaire complexe. Le professionnel a refusé de transmettre ces informations en invoquant son obligation de confidentialité malgré les menaces de sanctions financières proférées par l’autorité étatique. La Cour administrative de Luxembourg, par un arrêt du quatre mai deux mille vingt-trois, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction de l’Union européenne. Les requérants soutiennent que la protection des communications garantit la confidentialité de tout conseil juridique, indépendamment de la nature fiscale ou commerciale de l’opération traitée. La juridiction de l’Union affirme que le conseil juridique en droit des sociétés bénéficie de la protection renforcée prévue par l’article sept de la Charte. Elle considère qu’une réglementation nationale ne peut vider de sa substance ce droit fondamental en excluant le domaine fiscal du champ du secret professionnel. Cette décision conduit à examiner d’abord l’étendue de la protection du secret avant d’analyser l’irrégularité des atteintes portées par les législations nationales actuelles.

I. L’affirmation d’une protection étendue du secret professionnel de l’avocat

A. L’inclusion du conseil juridique en droit des sociétés dans le champ conventionnel

La Cour rappelle que l’article sept de la Charte protège la confidentialité de toute correspondance entre les individus et leurs avocats respectifs. Cette protection spécifique s’applique quel que soit le domaine du droit concerné, incluant explicitement les activités de consultation juridique et de défense habituelles. Le juge européen souligne qu’une « consultation juridique d’avocat bénéficie, quel que soit le domaine du droit sur lequel elle porte, de la protection renforcée ». Les justiciables doivent pouvoir s’adresser librement à leur conseil sans craindre la divulgation de l’existence ou du contenu de leurs échanges privés. L’exigence de loyauté de l’avocat envers son client justifie cette préservation absolue du secret dans une société démocratique respectueuse des droits.

B. La qualification d’ingérence caractérisée par l’injonction de communication

L’injonction imposant la transmission de l’intégralité du dossier constitue une ingérence manifeste dans le droit au respect des communications privées de la personne intéressée. La Cour précise que « une décision d’injonction telle que celle en cause au principal constitue une ingérence dans le droit au respect des communications ». La mesure administrative contraint le professionnel à révéler des informations confidentielles sans le consentement préalable de la personne ayant sollicité ses conseils techniques avisés. Cette intrusion dans la sphère privée du mandant nécessite une justification rigoureuse conforme aux exigences strictes posées par l’article cinquante-deux de la Charte. L’étendue reconnue de cette confidentialité fondamentale fait obstacle à toute tentative de limitation excessive par les normes de droit interne.

II. L’impossibilité d’une éviction substantielle du secret par le droit national

A. La préservation du contenu essentiel du droit au respect des communications

Toute limitation des droits fondamentaux doit respecter leur contenu essentiel pour être considérée comme valide au regard de l’ordre juridique européen actuel. La législation nationale en cause exclut quasi intégralement le secret professionnel en matière fiscale, ce qui altère gravement la substance même du droit protégé. Le juge affirme que cette réglementation porte « une atteinte au contenu essentiel du droit garanti à l’article sept de la Charte » des droits fondamentaux. Une telle éviction généralisée ne peut être justifiée par de simples nécessités administratives ou par l’objectif de coopération fiscale entre les divers États membres. Le secret professionnel ne saurait être écarté au profit d’une transparence administrative totale sans compromettre l’exercice effectif des droits de la défense.

B. La portée de la décision sur les procédures nationales d’échange d’informations

La validité de la directive sur la coopération administrative demeure intacte car elle laisse aux États la charge de respecter les droits fondamentaux individuels. Les autorités nationales doivent désormais veiller à ce que leurs procédures de collecte d’informations ne sacrifient pas la confidentialité nécessaire aux échanges juridiques réguliers. L’arrêt s’oppose à toute injonction fondée sur une loi refusant la protection du secret professionnel pour les prestations réalisées dans le domaine fiscal. Cette solution renforce la sécurité juridique des citoyens européens en garantissant l’indépendance de la profession d’avocat face aux exigences croissantes des administrations financières. Les États membres sont tenus d’adapter leurs législations pour assurer une protection effective des communications privées entre les avocats et leurs mandants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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