Cour de justice de l’Union européenne, le 27 avril 2023, n°C-107/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 juillet 2023, une décision importante relative à l’interprétation de la nomenclature combinée des marchandises. Ce litige porte sur le classement tarifaire de pièces détachées destinées à former, après leur assemblage, un appareil de réception par satellite complet.

Un commissionnaire en douane a effectué, entre 2006 et 2007, trente-huit déclarations de mise en libre pratique pour des composants d’appareils de réception. Ces pièces provenaient d’un fournisseur unique et voyageaient dans un conteneur commun vers deux entreprises liées appartenant à un même groupe.

L’administration a estimé que ces marchandises constituaient des appareils complets présentés à l’état non monté et a réclamé le paiement des droits correspondants. La Cour d’appel d’Amsterdam, saisie du litige après une annulation partielle en première instance, a interrogé la juridiction européenne par voie préjudicielle.

Les juges devaient déterminer si la règle générale de classement s’applique à des composants faisant l’objet de déclarations distinctes ou de régimes douaniers différents. La Cour de justice affirme que l’existence d’un article complet doit s’apprécier selon des facteurs objectifs malgré la diversité des formalités.

L’analyse de cette décision suppose d’étudier la primauté des caractéristiques objectives des produits importés avant d’envisager l’extension de ce principe aux différents régimes douaniers.

**I. La primauté des caractéristiques objectives sur la forme des déclarations**

*A. L’indifférence du fractionnement des formalités douanières*

La Cour souligne que le classement des marchandises dépend principalement de leurs propriétés physiques telles que définies par le libellé de la nomenclature combinée. « Le fait que de telles marchandises fassent l’objet d’une seule et même déclaration (…) ne constitue pas une condition sine qua non » pour l’identification d’un article complet.

Cette interprétation privilégie l’aspect matériel du produit fini plutôt que la modalité administrative choisie par l’importateur lors du passage de la frontière. La simultanéité de la présentation au dédouanement demeure le critère essentiel pour considérer que les éléments constitutifs forment un tout fonctionnel.

*B. L’identification d’un faisceau d’indices matériels probants*

Les juges considèrent que la destination finale des pièces et leur transport groupé constituent des indicateurs sérieux de l’existence d’un appareil non monté. « La circonstance que des marchandises sont présentées en douane dans des déclarations séparées ne saurait, à elle seule, s’opposer à ce que ces marchandises soient qualifiées d’articles à l’état démonté ou non monté ».

L’appartenance des entreprises destinataires à un même groupe renforce la conviction que les composants feront l’objet d’un montage unique après leur mise en circulation. Le juge national doit donc apprécier l’ensemble des facteurs entourant l’importation pour garantir l’application rigoureuse du tarif douanier commun.

**II. La neutralisation des stratégies de contournement tarifaire**

*A. L’application de la règle de classement aux régimes douaniers mixtes*

La décision étend la règle générale de classement aux situations où les pièces sont placées sous des régimes juridiques différents lors de leur importation. « Les modalités selon lesquelles les marchandises ont été déclarées (…) ne sauraient toutefois être déterminantes en soi » pour exclure la qualification d’un appareil complet.

Le passage simultané par un bureau de douane de composants destinés à être assemblés suffit à déclencher l’application des règles relatives aux articles finis. Cette solution garantit une uniformité de traitement quelles que soient les techniques logistiques ou les régimes de transit utilisés par les opérateurs économiques.

*B. La préservation de la sécurité juridique et de l’équité fiscale*

La Cour rejette toute manipulation permettant aux importateurs de choisir le classement tarifaire le plus favorable par un simple fractionnement artificiel de leurs envois. « Une telle possibilité serait contraire au principe selon lequel le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché (…) dans leurs caractéristiques et propriétés objectives ».

Cette jurisprudence renforce la sécurité juridique en empêchant que des manœuvres administratives simples n’altèrent la réalité fiscale de l’opération commerciale soumise aux autorités. La portée de cet arrêt assure une protection efficace des ressources propres de l’Union européenne contre les risques d’optimisation abusive.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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