Cour de justice de l’Union européenne, le 27 avril 2023, n°C-705/21

La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle, a rendu une décision importante en date du 6 octobre 2025.

L’affaire porte sur un contrat de prêt libellé en devise étrangère dont la clause relative au risque de change est déclarée abusive par le juge.

Cette situation entraîne normalement l’invalidité du contrat, mais les autorités nationales cherchent des moyens techniques pour maintenir la validité de l’engagement financier.

Le juge national se demande s’il peut modifier la devise, le taux d’intérêt ou appliquer des dispositions législatives générales pour sauver la convention.

La juridiction européenne doit déterminer si la protection du consommateur permet une telle intervention judiciaire sur le contenu même des obligations contractuelles litigieuses.

La Cour répond par la négative, affirmant que le contrat ne peut être maintenu par une modification de ses éléments essentiels ou par une substitution.

Cette solution repose sur l’interdiction de la révision judiciaire de la clause abusive (I) et sur l’encadrement strict du remplacement de la clause invalidée (II).

I. L’interdiction de la révision judiciaire de la clause abusive

A. L’impossibilité d’adapter les obligations contractuelles

La Cour souligne que les dispositions européennes « s’opposent à ce que le contrat soit déclaré valide » par une modification substantielle de son économie générale.

Le juge ne peut pas adapter les obligations du consommateur « au moyen d’une modification de la devise dudit contrat et du taux d’intérêt fixé ».

Toute intervention visant à plafonner le taux de change pour compenser le caractère abusif de la clause initiale est fermement exclue par la juridiction.

Le respect de la directive impose l’annulation de la clause sans que le magistrat puisse en corriger les effets financiers pour maintenir l’acte juridique.

B. La préservation de l’effet dissuasif de la directive

L’interdiction de modifier la clause abusive garantit que les professionnels ne seront pas tentés d’utiliser de telles stipulations en comptant sur la clémence judiciaire.

Si le juge pouvait réviser le contrat, l’effet préventif de la législation sur les clauses abusives serait alors totalement anéanti au détriment des consommateurs.

L’invalidité du contrat de prêt apparaît comme la conséquence inéluctable dès lors que la clause de risque de change en constitue un élément essentiel.

Cette rigueur juridique assure une protection effective en empêchant les juges nationaux de se substituer à la volonté des parties par une réécriture contractuelle.

Le constat de cette impossibilité de révision conduit naturellement à examiner les limites posées au remplacement des clauses déclarées abusives par le juge.

II. L’encadrement strict du remplacement de la clause invalidée

A. L’exclusion des dispositions nationales de portée générale

La Cour précise qu’un contrat invalide ne peut être maintenu « en remplaçant ladite clause par des dispositions de droit national à caractère général ».

Le juge national ne peut pallier l’absence de législation spécifique par l’application de principes juridiques vagues pour régulariser la situation du prêt litigieux.

Cette restriction s’applique durant la période précédant l’entrée en vigueur d’une loi nationale organisant expressément la conversion des prêts en monnaie nationale.

L’utilisation de règles générales reviendrait à accorder au magistrat un pouvoir de création contractuelle que la directive ne lui reconnaît absolument pas.

B. Le refus d’une réécriture judiciaire déguisée

Le remplacement d’une clause abusive n’est autorisé que s’il s’agit d’une « simple substitution opérée par le juge national » ne nécessitant aucune appréciation créatrice.

La décision européenne interdit toute mesure qui « reviendrait à réviser le contenu d’une clause abusive figurant dans ledit contrat » sous couvert de maintien.

Le droit de l’Union privilégie ainsi la disparition de l’acte vicié plutôt que sa survie artificielle par une intervention judiciaire modifiant l’équilibre contractuel.

Seule une disposition législative supplétive, prévue par le droit interne, pourrait éventuellement remplacer la clause sans porter atteinte à la protection du consommateur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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