Cour de justice de l’Union européenne, le 27 février 2014, n°C-396/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 27 février 2014, précise l’interprétation de la notion de non-conformité intentionnelle. Le litige concernait initialement un bénéficiaire d’aides agricoles dont les pratiques habituelles de gestion ont entraîné une violation des règles de conditionnalité. L’autorité nationale compétente avait alors décidé de réduire les aides versées en raison du caractère délibéré des manquements constatés. Le bénéficiaire a contesté cette qualification devant les juridictions nationales, niant avoir recherché l’état de non-conformité reproché par l’administration. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur l’application des règlements n o 796/2004 et n o 1975/2006 face à l’intervention d’un tiers prestataire. Elle souhaitait savoir si la faute du mandataire pouvait être imputée directement au bénéficiaire des aides européennes. La question de droit porte sur la définition de l’intentionnalité et sur l’étendue de la responsabilité du bénéficiaire pour les actes d’un tiers. La Cour affirme que l’intention requiert soit la recherche du manquement, soit l’acceptation de l’éventualité que celui-ci puisse se produire.

I. La caractérisation subjective de la non-conformité aux règles de conditionnalité

A. L’exigence d’un élément intentionnel fondé sur la volonté ou l’acceptation

La Cour définit la «non-conformité intentionnelle» comme exigeant une violation par un bénéficiaire qui «recherche un état de non-conformité auxdites règles». Cette approche subjective impose de démontrer que l’agriculteur a agi avec la volonté manifeste de contourner les exigences réglementaires applicables. Le juge européen assimile également à l’intention le fait de ne pas rechercher cet état mais d’accepter «l’éventualité que celui-ci puisse se produire». Cette extension au dol éventuel permet de sanctionner les comportements où le bénéficiaire prend un risque en pleine connaissance de cause. La preuve de cette intentionnalité demeure complexe car elle nécessite une analyse approfondie de la psychologie et des motivations de l’auteur.

B. La validation encadrée des critères probatoires issus du droit national

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à une disposition nationale attachant une force probante élevée à une «politique constante et de longue durée». Cette règle permet aux autorités de déduire l’intention de la répétition habituelle de pratiques non conformes sur plusieurs périodes de gestion. Cependant, cette présomption ne doit pas être irréfragable afin de respecter les droits de la défense et le principe de proportionnalité. Le bénéficiaire doit conserver la «possibilité, le cas échéant, d’apporter la preuve de l’absence d’élément intentionnel dans son comportement». L’équilibre entre l’efficacité des contrôles et la protection du bénéficiaire repose ainsi sur le caractère révocable des indices retenus.

II. L’imputabilité des manquements commis par l’intermédiaire d’un tiers

A. Une responsabilité fondée sur les obligations de choix et de surveillance

Le bénéficiaire peut être tenu responsable d’une violation commise par un tiers exécutant des travaux à sa demande selon l’interprétation de la Cour. Cette responsabilité n’est pas automatique mais dépend du comportement propre du bénéficiaire dans la gestion de ses relations contractuelles ou matérielles. Le juge examine si l’intéressé a «agi de façon intentionnelle ou négligente du fait du choix ou de la surveillance de ce tiers». La faute réside ici dans le manque de discernement lors du recrutement ou dans l’insuffisance du contrôle exercé durant l’exécution. Les instructions données au prestataire constituent également un critère déterminant pour apprécier la diligence dont doit faire preuve le demandeur d’aide.

B. L’autonomie de la faute du bénéficiaire au regard du comportement du prestataire

La responsabilité du bénéficiaire est retenue «indépendamment du caractère intentionnel ou négligent du comportement dudit tiers» ayant matériellement réalisé la violation des règles. Cette solution consacre une autonomie de la sanction administrative par rapport à la qualification juridique de l’acte accompli par le tiers exécutant. L’agriculteur ne peut s’exonérer en invoquant simplement la faute d’autrui dès lors que sa propre négligence est établie par les autorités. Cette rigueur assure le respect des objectifs de la politique agricole commune en évitant que la délégation de tâches ne devienne une cause d’irresponsabilité. La protection des intérêts financiers de l’Union justifie une vigilance accrue du bénéficiaire sur l’ensemble de ses processus de production.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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