La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 27 février 2014, un arrêt relatif à l’interprétation du système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Ce litige porte sur la possibilité pour un État membre d’appliquer des taux de taxe divergents selon le mode de transport urbain utilisé par le prestataire. Une entreprise de location de voitures avec chauffeur contestait l’application du taux normal de taxe pour ses activités de transport de personnes et de malades. Elle revendiquait le bénéfice du taux réduit de sept pour cent réservé par la législation nationale aux exploitants de taxis pour des trajets identiques. La juridiction de renvoi demande si cette différence de traitement fiscal est compatible avec le principe de neutralité inhérent au droit de l’Union européenne. La Cour répond qu’une telle distinction est licite si elle repose sur des critères objectifs perçus par l’usager, sauf en cas de convention contractuelle unifiée. L’examen de la validité de cette application sélective du taux réduit précédera l’analyse de l’encadrement des limites posées à une telle différenciation fiscale.
I. La validité de principe d’une application sélective du taux réduit
A. L’identification d’un aspect concret et spécifique de la prestation
Le juge souligne que les États membres disposent de la faculté d’appliquer un taux réduit de taxe à des « aspects concrets et spécifiques » de certaines catégories de services. Pour que cette sélectivité soit régulière, la prestation de transport en taxi doit demeurer identifiable séparément des autres offres de transport de personnes. Les exploitants de taxis assument des obligations de service public, telles que la permanence de l’activité ou le respect d’une tarification administrativement encadrée. Ce cadre juridique strict distingue ces prestataires des sociétés de voitures de location dont l’activité repose sur une liberté contractuelle et organisationnelle plus étendue. L’existence de telles contraintes permet de considérer le transport par taxi comme une sous-catégorie fiscale autonome au sein de la nomenclature de l’Union européenne.
B. La préservation nécessaire du principe de neutralité fiscale
La liberté étatique de différencier les taux est strictement encadrée par le principe de neutralité fiscale qui régit l’ensemble du système de taxe sur la consommation. Ce principe « s’oppose en particulier à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent par conséquent en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente ». Le juge exige une analyse fondée sur le point de vue du consommateur moyen pour apprécier la similitude des prestations en cause. Il importe d’éviter toute distinction artificielle reposant sur des « différences insignifiantes » qui n’altéreraient pas le choix de l’usager final. Une différence de traitement n’est licite que si les services ne répondent pas aux mêmes besoins ou présentent des propriétés radicalement divergentes.
La caractérisation d’une prestation spécifique autorise la distinction fiscale sous réserve que le cadre opérationnel global ne rétablisse pas une identité de situation entre opérateurs.
II. L’encadrement des limites à la différenciation fiscale
A. L’influence déterminante des contraintes réglementaires sur le consommateur
Les différences réglementaires entre les deux modes de transport constituent des éléments objectifs pouvant influencer de manière déterminante la perception de l’usager moyen. Le mode de sollicitation du service, entre la maraude des taxis et la réservation préalable des voitures de location, modifie la nature de la réponse au besoin. La Cour observe que des écarts significatifs quant à l’acceptation et l’exécution des demandes peuvent créer une distinction réelle aux yeux du public. Ces « différences au niveau des exigences légales auxquelles sont soumis les deux types de transport » justifient une segmentation fiscale de l’offre de transport urbain. Si ces divergences réglementaires orientent le choix du client, l’application de taux distincts ne porte pas atteinte à la libre concurrence sur le marché.
B. L’interdiction du traitement distinct lors de prestations conventionnelles identiques
La neutralité fiscale interdit toute discrimination tarifaire lorsque les conditions d’exécution des prestations deviennent objectivement identiques en raison d’un cadre contractuel spécifique. Dans l’hypothèse d’une « convention particulière qui s’applique indistinctement aux entreprises de taxis et aux entreprises de location de voitures », la distinction fiscale perd son fondement. Lorsque les deux types d’opérateurs transportent des malades aux mêmes tarifs et sans obligations de service public supplémentaires, leurs services deviennent parfaitement interchangeables. Le transport de personnes en taxi ne constitue plus alors un aspect spécifique justifiant un avantage fiscal par rapport à la location de voiture. Le droit de l’Union s’oppose à ce que des situations de fait analogues soient soumises à des prélèvements fiscaux divergents.