Cour de justice de l’Union européenne, le 27 janvier 2021, n°C-361/19

Par un arrêt rendu le 27 janvier 2021, la quatrième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise les modalités de calcul des réductions d’aides agricoles. Cette décision s’inscrit dans le cadre du régime de soutien aux agriculteurs et du respect des règles de conditionnalité prévues par le droit de l’Union. Une société agricole a fait l’objet d’un contrôle en mars 2016 révélant des manquements survenus durant les années 2015 et 2016. L’autorité administrative a alors appliqué une réduction de 5 % sur les paiements directs de l’année 2016 pour l’ensemble des irrégularités constatées. Saisie d’un recours, la cour d’appel du contentieux administratif en matière économique des Pays-Bas, par une décision du 23 avril 2019, a interrogé la juridiction européenne. Le juge national sollicitait une appréciation de la validité et de l’interprétation des règlements concernant l’année de référence pour le calcul de la sanction. La question de droit consiste à déterminer si la réduction doit être calculée sur la base des aides de l’année du manquement ou de l’année de constatation. La Cour juge que les réductions doivent être calculées sur la base des paiements octroyés au titre de l’année au cours de laquelle le non-respect est survenu.

I. La distinction entre le fait générateur et les modalités d’exécution de la sanction

A. L’année de survenance du manquement comme assiette exclusive du calcul

La Cour de justice fonde son raisonnement sur l’article 97 du règlement n° 1306/2013 définissant l’année civile concernée par le manquement aux règles de gestion. Elle relève que « la sanction administrative prévue à l’article 91 est appliquée lorsque les règles de conditionnalité ne sont pas respectées à tout moment d’une année civile donnée ». Le lien entre le comportement fautif et l’aide financière reçue impose une corrélation temporelle stricte entre l’irrégularité commise et la base monétaire de la sanction. Cette interprétation littérale permet de désigner précisément l’assiette de la réduction en la fixant sur les montants dus lors de la période de l’infraction. La solution assure que le montant de la peine demeure intrinsèquement lié à la réalité économique de l’exploitation au moment où l’obligation a été méconnue.

B. La dissociation fonctionnelle opérée avec l’année civile de la constatation

L’arrêt clarifie la dualité existante entre la détermination du montant de la sanction et les modalités pratiques de son prélèvement sur les aides à verser. L’article 99 du règlement précité prévoit que la sanction s’applique par réduction des paiements octroyés « au cours de l’année civile de la constatation ». Cette disposition concerne exclusivement les modalités d’imputation de la sanction pour garantir une exécution administrative simple et rapide sans procédure de recouvrement indépendante. Le calcul de la réduction demeure attaché aux paiements de l’année du manquement afin de préserver la nature juridique de la sanction liée à la conditionnalité. L’administration procède ainsi à une opération de compensation technique qui ne doit pas interférer avec la mesure souveraine de la gravité du manquement passé.

II. La préservation de la cohérence systémique et des principes fondamentaux

A. La garantie de la sécurité juridique et de la proportionnalité des peines

La solution retenue garantit l’égalité de traitement entre les agriculteurs en évitant que la sanction ne dépende des variations annuelles des enveloppes d’aides directes européennes. La Cour souligne que cette méthode écarte le risque que la réduction soit « nettement plus élevée » ou « nettement moins élevée » en raison d’un simple décalage temporel. Le bénéficiaire peut ainsi prévoir les conséquences financières de ses actes puisque « l’éventuelle variation des circonstances matérielles » postérieure au manquement n’affecte pas la sanction. La prévisibilité juridique renforce la protection des droits des exploitants face aux aléas des contrôles administratifs intervenant parfois plusieurs années après les faits litigieux. L’équilibre entre la rigueur de la politique agricole et la protection du justiciable se trouve ainsi conforté par cette stabilité de l’assiette de calcul.

B. L’assurance du caractère dissuasif et de l’effectivité du régime de conditionnalité

L’exigence de sanctions effectives et dissuasives trouve son plein accomplissement dans cette articulation rigoureuse entre l’année de survenance du fait et celle de sa découverte. L’imputation sur les aides de l’année de constatation assure une perception immédiate de la somme due par l’autorité nationale compétente sans multiplier les démarches contentieuses. La Cour concilie les impératifs de rigueur budgétaire et de justice distributive en maintenant « le lien entre le comportement de l’agriculteur à l’origine de la sanction et cette dernière ». Cette jurisprudence consolide la cohérence du système de la politique agricole commune tout en protégeant les fonds de l’Union contre les pratiques irrégulières. Le dispositif prévient toute tentation de spéculation sur le moment du contrôle administratif pour minimiser l’impact financier des manquements aux règles environnementales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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