Cour de justice de l’Union européenne, le 27 juin 2019, n°C-597/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, une décision fondamentale concernant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige est né de l’application de règles nationales soumettant certaines interventions esthétiques au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée. Des prestataires de soins contestaient l’exclusion des dispositifs médicaux esthétiques du bénéfice d’un taux réduit ainsi que les conditions d’accès à l’exonération fiscale. Saisie à titre préjudiciel, la juridiction de renvoi interrogeait la Cour sur l’interprétation de la directive 2006/112 relative au système commun de taxe. Il s’agissait de déterminer si l’exonération s’applique uniquement aux professions réglementées et si le taux réduit peut être refusé aux soins purement esthétiques. La Cour répond que l’article 132 « ne réserve pas l’application de l’exonération qu’il prévoit aux prestations effectuées par des praticiens d’une profession médicale ou paramédicale réglementée ». Elle valide également la distinction fiscale fondée sur la finalité thérapeutique tout en limitant le pouvoir de maintien des effets des actes annulés.

I. L’objectivation des conditions d’exonération des prestations de soins

A. Le rejet de la subordination de l’exonération aux réglementations nationales

L’article 132 de la directive définit les prestations de services à la personne bénéficiant d’une exonération de taxe sur la valeur ajoutée. La Cour précise que ce texte « ne réserve pas l’application de l’exonération qu’il prévoit aux prestations effectuées par des praticiens d’une profession médicale ou paramédicale réglementée ». Cette interprétation privilégie la nature même de l’acte médical sur le statut formel du prestataire de soins dans le droit interne. Les États membres ne peuvent donc pas restreindre le bénéfice de cette mesure fiscale en se fondant uniquement sur l’absence de réglementation professionnelle.

Cette solution garantit une application uniforme du droit de l’Union en empêchant les législations nationales de fragmenter les conditions de l’exonération médicale. Elle protège ainsi les patients en assurant que le coût des soins ne dépende pas de choix administratifs relatifs à l’organisation des professions. La juridiction européenne impose une lecture autonome des notions fiscales pour préserver l’accès aux soins de santé sur l’ensemble du territoire européen.

B. La centralité de la finalité thérapeutique dans le régime de la taxe

L’application de l’exonération reste strictement conditionnée par l’objectif de l’intervention pratiquée par le professionnel de santé sur son patient. Le juge souligne que les prestations doivent poursuivre une finalité thérapeutique pour échapper au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Les actes réalisés dans un but purement esthétique ne répondent pas à cette définition fonctionnelle de la médecine curative ou préventive. Cette distinction permet de limiter l’avantage fiscal aux seuls besoins réels de santé publique identifiés par le législateur de l’Union européenne.

Le système commun de taxe repose sur le principe de neutralité fiscale qui interdit de traiter différemment des prestations de services semblables. La Cour estime toutefois que la vocation thérapeutique constitue un critère objectif suffisant pour justifier une différence de traitement entre les interventions. L’absence de visée médicale curative exclut alors logiquement les prestations esthétiques du champ des exonérations prévues pour la protection de la santé humaine.

II. La préservation de la cohérence du système commun de taxe

A. La faculté de différenciation fiscale entre les produits médicaux et esthétiques

L’article 98 de la directive autorise les États membres à appliquer des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée à certaines livraisons. La Cour juge que ce texte « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui opère une différence de traitement entre les médicaments et les dispositifs médicaux ». Cette distinction repose sur le contraste entre les traitements à vocation thérapeutique et ceux dont la finalité est exclusivement esthétique. Le législateur national dispose ainsi d’une marge de manœuvre pour cibler les produits de santé jugés essentiels pour la population.

Cette différenciation ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique dès lors que les critères de distinction sont clairement définis par la loi. La restriction du taux réduit aux seuls produits thérapeutiques assure la cohérence des politiques de santé publique financées par les recettes fiscales. Les juges valident cette sélectivité qui permet de ne pas subventionner indirectement des actes de confort par le biais d’une fiscalité réduite.

B. La primauté du droit de l’Union sur le maintien des effets juridiques

La Cour de justice encadre strictement le pouvoir des juges nationaux lorsqu’ils constatent l’incompatibilité d’une norme interne avec le droit de l’Union. Elle énonce qu’« une juridiction nationale ne peut pas faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’un acte annulé ». Cette interdiction vise à empêcher la survie provisoire de dispositions nationales contraires aux objectifs de la directive sur la taxe sur la valeur ajoutée. La primauté du droit européen exige en effet la disparition immédiate des règles fiscales jugées illégales pour protéger les contribuables.

L’invocation de l’insécurité juridique ou de l’absence de régime de substitution ne suffit pas à justifier le maintien d’une norme fiscale incompatible. Le juge national doit assurer le plein effet du droit de l’Union sans pouvoir retarder l’application des principes d’exonération ou de taxation. Cette fermeté jurisprudentielle garantit l’effectivité des droits que les particuliers tirent directement des directives européennes dans leur ordre juridique interne.

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Hassan KOHEN
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