Cour de justice de l’Union européenne, le 27 mai 2019, n°C-509/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 27 mai 2019 une décision capitale relative à l’interprétation du mandat d’arrêt européen. Elle définit la notion d’autorité judiciaire d’émission mentionnée à l’article 6 de la décision-cadre du 13 juin 2002 selon des critères autonomes.

Un individu a fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par un procureur général national aux fins de poursuites pénales pour un vol qualifié. Saisie de l’exécution, la High Court de Dublin a ordonné la remise de l’intéressé par une décision rendue le 27 février 2017. Cette solution fut confirmée par la Court of Appeal de Dublin le 20 octobre 2017 avant que la Supreme Court de Dublin ne saisisse le juge européen. La juridiction de renvoi s’interroge sur la qualité d’autorité judiciaire d’un magistrat du parquet indépendant de l’exécutif mais structurellement distinct des juges du siège.

Le problème de droit consiste à déterminer si le ministère public peut constituer une autorité judiciaire d’émission au sens du droit de l’Union européenne. La Cour affirme que cette notion vise le procureur général dont le statut garantit l’indépendance vis-à-vis de l’exécutif lors de l’émission du mandat. L’étude de cette solution conduit à analyser l’intégration du procureur dans l’administration de la justice avant d’envisager les garanties d’indépendance requises par le droit.

I. L’autonomie fonctionnelle du procureur dans l’administration de la justice pénale

A. Une participation effective à l’exercice de l’action publique

La Cour de justice rappelle que la notion d’autorité judiciaire ne se limite pas aux seuls juges ou juridictions siégeant au sein d’un État. Elle doit s’entendre comme désignant les « autorités participant à l’administration de la justice pénale » de l’État membre d’émission par opposition aux simples services de police. Le juge européen considère que le mandat d’arrêt constitue une « décision judiciaire » devant émaner d’une autorité intégrée au processus de répression des infractions.

Le ministère public joue un rôle essentiel en organisant l’instruction et en exerçant l’action publique au nom de la société devant les juridictions compétentes. Il met en place les conditions préalables indispensables à l’exercice du pouvoir juridictionnel en soumettant les affaires pénales au contrôle des juges du siège. Cette mission fonctionnelle justifie son inclusion parmi les autorités judiciaires aptes à délivrer un titre de coercition au sein de l’espace de liberté.

B. L’inclusion du ministère public dans le champ des autorités judiciaires

L’interprétation autonome de la notion d’autorité judiciaire d’émission favorise la coopération pénale simplifiée entre les différents États membres de l’Union européenne. La décision-cadre de 2002 vise à substituer un système de remise directe aux procédures d’extradition classiques qui impliquaient autrefois une intervention du pouvoir politique. La reconnaissance mutuelle repose sur l’idée que les décisions sont adoptées par des autorités participant au service public de la justice dans chaque ordre juridique.

Cette approche permet de couvrir l’ensemble de la procédure pénale depuis la phase des poursuites initiales jusqu’à l’exécution des peines privatives de liberté. L’autorité d’émission doit simplement être compétente en vertu du droit national pour adopter des actes de procédure ayant une incidence sur la liberté individuelle. Le procureur général remplit ce critère lorsqu’il dispose du pouvoir de solliciter la remise d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction grave.

II. Les exigences de garantie d’indépendance et de protection juridictionnelle

A. L’indépendance organique à l’égard du pouvoir exécutif

L’autorité judiciaire d’émission doit agir de façon objective en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge sans subir d’instructions extérieures. Cette exigence impose l’existence de règles statutaires garantissant que le magistrat n’est pas exposé à un risque d’ordre individuel émanant du pouvoir exécutif. La Cour souligne que la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen doit appartenir exclusivement à l’autorité judiciaire sans influence possible du gouvernement.

Le statut du procureur général doit lui conférer une « garantie d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif » suffisante pour assurer la neutralité du processus décisionnel. L’autorité d’exécution reçoit ainsi l’assurance que le mandat d’arrêt repose sur une appréciation strictement juridique des conditions de remise de la personne recherchée. L’indépendance organique devient le corollaire indispensable de la confiance mutuelle entre les systèmes judiciaires nationaux participant à cet espace commun de sécurité.

B. La nécessité d’un contrôle juridictionnel effectif

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen comporte une protection à deux niveaux des droits fondamentaux de l’individu dont la remise est officiellement demandée. Le premier niveau concerne l’adoption du mandat d’arrêt national tandis que le second niveau porte sur le caractère proportionné de l’émission du titre européen. La Cour précise que l’autorité d’émission doit pouvoir vérifier le respect des conditions légales avant de porter atteinte à la liberté d’un individu.

Une protection juridictionnelle effective doit être garantie lorsque l’autorité d’émission n’est pas elle-même une juridiction composée de juges du siège totalement inamovibles. La décision de remise doit pouvoir faire l’objet d’un recours devant un juge national capable de censurer une éventuelle erreur d’appréciation du procureur. Cette exigence finale assure le respect des droits de la défense et prévient tout arbitraire dans la mise en œuvre de la coopération judiciaire pénale.

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Hassan KOHEN
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