Cour de justice de l’Union européenne, le 27 mai 2019, n°C-509/18

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a rendu le 27 mai 2019 un arrêt relatif à la coopération judiciaire pénale. Cette décision précise la notion d’autorité judiciaire d’émission au sens de la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen. Le litige trouve son origine dans l’émission, en avril 2014, d’un titre de remise par un procureur général national pour des faits de vol. L’intéressé a contesté la validité de cet acte devant les juridictions de l’État d’exécution en soutenant que le parquet ne constituait pas une autorité judiciaire. La High Court de Dublin a ordonné la remise le 27 février 2017, décision confirmée par la Court of Appeal de Dublin le 20 octobre 2017. Saisie d’un recours, la Supreme Court de Dublin a interrogé la juridiction européenne sur les critères permettant de qualifier un procureur d’autorité judiciaire d’émission. Il s’agit de savoir si un magistrat du ministère public, indépendant du pouvoir exécutif mais structurellement distinct des juges, peut valablement émettre un mandat d’arrêt européen. La Cour répond par l’affirmative, soulignant que cette qualité dépend de la participation à l’administration de la justice et de garanties d’indépendance statutaires.

I. La qualification fonctionnelle de l’autorité judiciaire d’émission

A. La participation à l’administration de la justice pénale

La Cour rappelle que cette notion ne désigne pas uniquement les juges ou les juridictions mais englobe les autorités participant à la justice pénale. Elle précise que « les autorités qui, en vertu du droit national, sont compétentes pour adopter de telles décisions sont susceptibles de relever du champ d’application ». Cette approche fonctionnelle permet d’inclure le ministère public dès lors qu’il exerce l’action publique et dirige l’instruction au nom de l’État membre.

Le procureur joue un rôle essentiel en mettant en place les conditions préalables à l’exercice du pouvoir judiciaire par les juridictions pénales nationales compétentes. En conséquence, le magistrat agissant aux fins qu’un suspect « soit attrait devant une juridiction, doit être considéré comme participant à l’administration de la justice » nationale. Cette interprétation extensive favorise l’efficacité de la coopération pénale en simplifiant les procédures de remise entre les autorités judiciaires compétentes de l’Union.

B. La garantie d’indépendance statutaire vis-à-vis du pouvoir exécutif

L’exercice de cette fonction judiciaire suppose néanmoins que l’autorité agisse de façon objective et demeure à l’abri de toute influence politique ou gouvernementale. L’autorité d’émission ne doit pas être « exposée au risque que son pouvoir décisionnel fasse l’objet d’ordres ou d’instructions extérieurs, notamment de la part du pouvoir exécutif ». Cette garantie d’indépendance s’apprécie au regard des règles statutaires et organisationnelles propres à l’ordre juridique de l’État membre concerné par l’émission du titre.

Il appartient ainsi à l’autorité d’exécution de s’assurer que le magistrat agit de manière indépendante dans l’exercice de ses fonctions inhérentes au mandat d’arrêt. La décision d’émettre un tel titre doit revenir exclusivement à cette autorité judiciaire, sans qu’un doute subsiste quant à l’intervention du pouvoir politique national. Cette exigence d’objectivité constitue le socle de la confiance mutuelle entre les États membres participant à ce mécanisme simplifié de remise des personnes recherchées.

II. Le contrôle du respect des droits fondamentaux

A. L’effectivité du double niveau de protection judiciaire

L’arrêt souligne que le système du mandat d’arrêt européen repose sur une protection à deux niveaux des droits fondamentaux de la personne concernée par l’arrestation. À la protection judiciaire lors de l’adoption du mandat d’arrêt national s’ajoute celle devant être assurée au second niveau lors de l’émission du titre européen. L’autorité doit contrôler le respect des conditions nécessaires et examiner « si, au regard des spécificités de chaque espèce, ladite émission revêt un caractère proportionné ».

Cette vérification finale par une autorité judiciaire indépendante garantit que l’atteinte à la liberté individuelle demeure strictement nécessaire aux fins des poursuites pénales engagées. Le magistrat du parquet doit prendre en compte tous les éléments à charge et à décharge pour exercer son contrôle de manière impartiale et efficace. Ce mécanisme assure ainsi la conformité de la procédure de remise aux principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article premier de la décision-cadre de 2002.

B. L’exigence impérative d’un recours juridictionnel effectif

La Cour introduit une condition supplémentaire relative à l’existence d’un contrôle juridictionnel sur la décision d’émission prise par une autorité non juridictionnelle nationale. Elle affirme que « la décision d’émettre un tel mandat d’arrêt et son caractère proportionné doivent pouvoir être soumis à un recours juridictionnel » effectif. Ce recours doit satisfaire pleinement aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle réelle au sein de l’État membre d’émission du mandat d’arrêt européen.

Le contrôle par un juge permet de valider le raisonnement de l’autorité d’émission et de sanctionner d’éventuels manquements aux droits de la défense ou à la légalité. Cette exigence renforce la valeur de la décision judiciaire d’émission tout en protégeant l’individu contre l’arbitraire lors de son arrestation internationale effectuée par l’État d’exécution. La portée de l’arrêt réside dans cet équilibre entre l’efficacité de la coopération pénale et le respect des garanties procédurales essentielles en Europe.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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