Cour de justice de l’Union européenne, le 27 mars 2014, n°C-322/13

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 27 mars 2014 une décision relative à l’interprétation des articles 18 TFUE et 21 TFUE. Ce litige porte sur l’usage de la langue allemande dans une procédure civile en dommages-intérêts entre deux citoyennes de l’Union européenne. À la suite d’un accident de ski survenu dans la province de Bolzano, une ressortissante allemande domiciliée en Allemagne a assigné une ressortissante tchèque. L’acte introductif d’instance a été rédigé en langue allemande conformément aux facultés offertes par les dispositions locales dérogatoires au principe de l’italien. Le Landesgericht Bozen s’est interrogé sur la validité de cet acte au regard d’un arrêt du 22 novembre 2012 de la Corte suprema di cassazione. Cette juridiction nationale limitait en effet le bénéfice du régime linguistique aux seuls citoyens italiens résidant dans la province de Bolzano. Le juge italien a donc sollicité la Cour pour savoir si le droit européen s’oppose à une telle restriction fondée sur le domicile. Les juges luxembourgeois répondent par l’affirmative en considérant que la réglementation nationale méconnaît le principe de non-discrimination et la liberté de circulation.

I. L’assimilation des régimes linguistiques civils au droit de l’Union

A. L’unification des garanties procédurales entre matières pénale et civile

La Cour rappelle que le droit d’obtenir qu’une procédure se déroule dans une langue déterminée relève directement du champ d’application du droit de l’Union. Elle s’appuie sur une solution antérieure concernant la matière pénale pour affirmer que ces principes s’appliquent désormais à toute procédure juridictionnelle menée localement. Cette solution unificatrice permet d’assurer une protection cohérente du citoyen européen quelle que soit la nature du litige civil ou répressif rencontré. En intégrant le régime linguistique aux traités, les juges garantissent que les règles procédurales des États membres respectent les exigences fondamentales d’égalité. L’accès à la justice dans une langue protégée devient ainsi une composante essentielle de la citoyenneté européenne au sein des territoires bilingues.

B. La protection du citoyen européen circulant contre les discriminations liées au domicile

Une citoyenne circulant dans un État membre doit bénéficier des mêmes droits que les ressortissants nationaux se trouvant dans une situation juridique similaire. La Cour souligne qu’un « citoyen de langue allemande d’un État membre autre que la République italienne, qui circule et séjourne dans la province de Bolzano, serait désavantagé ». Refuser l’usage de la langue allemande à une personne non résidente constitue une entrave injustifiée à sa liberté de circulation garantie par le traité. Cette discrimination fragilise l’exercice effectif des droits judiciaires pour les citoyens ayant utilisé leur faculté constitutionnelle de se déplacer sur le territoire européen. L’égalité de traitement impose alors d’écarter le critère de la résidence nationale pour l’accès aux prérogatives linguistiques offertes par la législation locale.

II. L’absence de justifications légitimes à la restriction du bilinguisme

A. L’inconsistance des obstacles organisationnels au sein d’une juridiction bilingue

Le gouvernement italien a tenté de justifier la restriction par l’alourdissement potentiel des procédures judiciaires en termes d’organisation et de délais administratifs. Les juges écartent cet argument en relevant que la juridiction de Bolzano est parfaitement apte à conduire les débats dans les deux langues officielles. La Cour précise que l’objectif de protection d’une minorité ethnique ne pâtit nullement d’une extension de ce droit aux citoyens d’autres États. Une règle de pure forme ne saurait limiter un droit fondamental sans démontrer une nécessité impérieuse que les circonstances de l’espèce contredisent. La fluidité du service public de la justice est préservée dès lors que les magistrats maîtrisent déjà l’usage technique de la langue allemande.

B. La primauté des libertés fondamentales sur les considérations de nature économique

L’argument relatif aux coûts supplémentaires qu’engendrerait l’application généralisée du bilinguisme aux citoyens européens est rejeté par une jurisprudence constante de la Cour. Elle affirme que « des motifs de nature purement économique ne peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général » pour limiter une liberté fondamentale. Les impératifs budgétaires d’un État membre demeurent subordonnés au respect des principes de non-discrimination et de libre circulation au sein du marché intérieur. La décision finale confirme ainsi qu’une réglementation excluant les ressortissants européens d’un régime linguistique local sur la base du domicile est contraire au droit. Cette solution renforce la protection des justiciables contre les barrières administratives injustifiées rencontrées lors de leurs déplacements transfrontaliers au sein de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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