Cour de justice de l’Union européenne, le 27 mars 2019, n°C-681/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 27 mars 2019, précise l’étendue du droit de rétractation pour les contrats conclus à distance. Un particulier commande un matelas sur le site internet d’une société commerciale spécialisée dans la vente en ligne de matériel de literie. Après la livraison du produit, l’acheteur retire le film de protection translucide qui entoure l’article avant d’exprimer son souhait de retourner la marchandise. Le vendeur refuse de procéder au remboursement en invoquant une exception légale liée aux impératifs de protection de la santé et d’hygiène publique. L’Amtsgericht de Mayence accueille la demande de remboursement par une décision du 26 novembre 2015, confirmée ensuite par le Landgericht de Mayence le 10 août 2016. Saisi d’un recours, le Bundesgerichtshof décide d’interroger la juridiction européenne sur l’application de l’article 16 de la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs. Le litige porte sur le point de savoir si un matelas dont la protection a été retirée constitue un bien scellé ne pouvant être renvoyé. La Cour juge que ce type d’équipement ne relève pas de l’exception au droit de rétractation car il peut faire l’objet d’un nettoyage approprié. Le raisonnement de la juridiction s’appuie sur une lecture rigoureuse des dérogations prévues par le texte européen avant de définir les modalités de responsabilité financière.

**I. Une interprétation stricte de l’exception sanitaire au droit de rétractation**

**A. L’exigence d’un risque d’insalubrité définitivement caractérisé**

L’article 16 de la directive prévoit une dérogation pour les « biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène ». Cette disposition limite les droits fondamentaux octroyés par l’Union européenne et doit donc impérativement faire l’objet d’une interprétation strictement encadrée par le juge. Le scellement ne se justifie que si le descellement « prive le bien qu’il contient de la garantie en termes de protection de la santé ou d’hygiène ». L’exception ne s’applique que si la nature même du produit rend sa remise en vente impossible ou excessivement difficile pour le professionnel concerné. Un risque sanitaire définitif doit être établi pour écarter le droit de rétractation dont bénéficie normalement l’acheteur dans le cadre d’un contrat à distance.

**B. L’assimilation pragmatique du matelas aux articles de consommation courante**

Les juges européens opèrent une distinction fondamentale entre les articles d’hygiène au sens strict, comme les brosses à dents, et les articles de literie. Un matelas, bien qu’utilisé, n’apparaît pas « définitivement impropre à faire l’objet d’une nouvelle utilisation par un tiers ou d’une nouvelle commercialisation » après son renvoi. La Cour souligne avec pragmatisme qu’un seul et même matelas sert aux clients successifs d’un hôtel sans poser de difficulté sanitaire insurmontable. Un traitement tel qu’un nettoyage en profondeur ou une désinfection suffit pour garantir la sécurité des futurs acquéreurs de l’article de literie d’occasion. Cette protection accrue de l’acheteur n’exclut cependant pas une prise en compte des intérêts économiques légitimes du vendeur professionnel.

**II. La recherche d’un équilibre contractuel entre les parties à l’échange**

**A. La préservation de la faculté d’examen du bien à distance**

L’assimilation du matelas au vêtement permet de maintenir la faculté de renvoi malgré le retrait de l’emballage protecteur initial par le client. L’acheteur doit pouvoir essayer le bien pour en « établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement » sans pour autant perdre définitivement ses droits contractuels. Le droit de l’Union cherche ici à compenser le désavantage structurel résultant de l’impossibilité de voir le produit physiquement avant la conclusion définitive du contrat. Exclure le matelas du droit de retour reviendrait à fragiliser le niveau élevé de protection des consommateurs exigé par les traités européens. La sécurité juridique des transactions électroniques repose sur cette possibilité de revenir sur un engagement après un examen concret de la marchandise.

**B. La responsabilité résiduelle du consommateur pour la dépréciation du bien**

Si le droit de rétractation demeure, le consommateur n’en reste pas moins responsable de la possible dépréciation de la valeur marchande de l’objet livré. Il répond des « manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement » de la marchandise reçue. Ce mécanisme assure un juste équilibre entre la protection du cocontractant présumé faible et la compétitivité économique des entreprises de vente à distance. Le professionnel peut ainsi déduire du remboursement le coût lié à la remise en état ou à la perte de valeur du produit déconditionné. L’exercice de la liberté contractuelle s’accompagne alors d’une obligation de diligence durant la période de réflexion accordée par la législation européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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