Cour de justice de l’Union européenne, le 27 novembre 2003, n°C-332/02

Par un arrêt du 27 novembre 2003, la Cour de justice des Communautés européennes s’est prononcée sur le manquement d’un État membre à ses obligations découlant du droit communautaire. En l’espèce, la directive 1999/13/CE, relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils, imposait aux États membres de prendre les mesures de transposition nécessaires avant le 1er avril 2001. Constatant l’absence de communication desdites mesures par le Royaume-Uni, la Commission a engagé une procédure en manquement conformément à l’article 226 du traité CE. Après une mise en demeure restée sans effet complet, un avis motivé a été émis le 20 décembre 2001, accordant à l’État défendeur un délai de deux mois pour se conformer. Face à la persistance de la défaillance, la Commission a saisi la Cour de justice afin de faire constater le manquement. L’État membre ne contestait pas le retard mais faisait valoir que des travaux législatifs étaient en cours et seraient achevés ultérieurement. La question de droit soumise à la Cour était donc de savoir si un État membre manque à ses obligations lorsque, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, il n’a pas encore adopté l’ensemble des mesures nécessaires à la transposition complète d’une directive, nonobstant les efforts engagés pour y parvenir. La Cour de justice a répondu par l’affirmative, en consacrant une approche stricte de la temporalité du manquement. Elle a jugé que « l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour ».

I. La constatation rigoureuse du manquement d’État

La décision de la Cour repose sur une appréciation objective et temporellement délimitée de l’infraction, écartant toute considération relative aux difficultés internes de l’État membre ou aux mesures prises après l’échéance fixée.

A. Le caractère objectif du défaut de transposition

L’arrêt illustre avec clarté le principe selon lequel le manquement d’un État membre est constitué par le seul fait matériel de ne pas avoir atteint le résultat prescrit par la directive dans le délai imparti. Le Royaume-Uni, en l’espèce, ne niait pas que la transposition de la directive 1999/13/CE était incomplète à la date butoir. La Cour n’a donc pas eu à examiner les causes ou les justifications de ce retard, mais seulement à le constater. Cette approche objective est fondamentale pour garantir l’application uniforme et simultanée du droit de l’Union sur l’ensemble de son territoire. Elle rappelle que l’obligation de transposition est une obligation de résultat, dont la simple non-réalisation suffit à caractériser la faute de l’État membre, indépendamment de toute intention ou négligence de sa part. La Cour se borne à vérifier si, à un instant T, l’ordre juridique interne est conforme aux exigences communautaires.

B. L’indifférence des régularisations postérieures au délai de l’avis motivé

L’argument principal de l’État défendeur reposait sur l’avancement des travaux de transposition et la promesse d’une mise en conformité future, notamment pour Gibraltar, l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord. La Cour rejette fermement cette ligne de défense en s’appuyant sur une jurisprudence constante et bien établie. Le moment déterminant pour apprécier l’existence du manquement est exclusivement celui de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Les éventuelles mesures législatives ou réglementaires adoptées postérieurement à cette date sont sans pertinence pour l’issue du litige. Cette solution rigoureuse est essentielle au bon déroulement de la procédure en manquement, car elle empêche les États membres de retarder indéfiniment leur mise en conformité tout en échappant à une condamnation. En cristallisant l’analyse à une date précise, la Cour assure l’efficacité du dialogue précontentieux mené par la Commission et le caractère contraignant des délais qu’il comporte.

II. La portée réaffirmée de l’obligation de transposition des directives

Au-delà de la solution d’espèce, cet arrêt constitue un rappel pédagogique de l’importance des obligations qui pèsent sur les États membres, lesquelles sont le corollaire indispensable à l’existence d’un ordre juridique intégré et efficace.

A. La garantie de l’effectivité du droit de l’Union

Le mécanisme de la directive repose sur une collaboration entre les institutions de l’Union et les autorités nationales. Si la directive fixe les objectifs à atteindre, elle laisse aux États membres le choix des moyens pour y parvenir. Toutefois, cette souplesse est conditionnée au respect scrupuleux du délai de transposition. Le manquement sanctionné dans cet arrêt met en péril l’effet utile (`effet utile`) de la directive 1999/13/CE. Tant qu’elle n’est pas transposée, cette dernière est privée de sa pleine efficacité dans l’ordre juridique interne, et les objectifs de politique environnementale qu’elle poursuit, en l’occurrence la réduction des émissions de composés volatils, ne sont pas réalisés. En sanctionnant systématiquement ces retards, la Cour veille à ce que le droit dérivé ne reste pas lettre morte et qu’il produise ses effets concrètement et uniformément au bénéfice des citoyens et des entreprises de l’Union.

B. Une illustration du rôle de la Commission en tant que gardienne des traités

Cette affaire est une parfaite illustration de la fonction que l’article 226 du traité CE confie à la Commission. En tant que « gardienne des traités », il lui incombe de surveiller l’application du droit de l’Union par les États membres et d’engager les procédures nécessaires en cas de manquement. La démarche de la Commission, depuis la mise en demeure jusqu’à la saisine de la Cour, démontre un exercice méthodique de cette prérogative. La condamnation quasi-automatique de l’État membre dans une situation aussi peu équivoque renforce la crédibilité de l’action de la Commission. Elle confirme que le recours en manquement est un instrument puissant et non une simple menace formelle, assurant ainsi le respect de la légalité communautaire et la primauté du droit de l’Union sur les inerties des appareils administratifs ou législatifs nationaux.

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