Cour de justice de l’Union européenne, le 27 octobre 2022, n°C-68/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu dans les affaires jointes C-68/21 et C-84/21, précise l’articulation entre la réception technique des véhicules et le droit des marchés publics. Deux entreprises publiques opérant des services de transport local ont lancé des appels d’offres pour la fourniture de pièces de rechange d’origine ou équivalentes. Les sociétés attributaires ont produit des auto-certifications ou des déclarations d’équivalence qui ont été contestées par un concurrent évincé devant les juridictions administratives italiennes. Ce dernier soutenait que les offres retenues auraient dû être exclues faute de présenter les certificats de réception prévus par la réglementation technique en vigueur. La juridiction de renvoi a alors interrogé la Cour sur la possibilité de substituer une preuve d’équivalence à un certificat de réception obligatoire. Elle a également sollicité une interprétation de la notion de constructeur pour déterminer qui peut valablement certifier la qualité d’un composant. Cette décision permet de concilier les impératifs de sécurité publique avec les principes de libre concurrence dans les secteurs spéciaux.

I. L’impérativité de la réception technique dans les marchés publics

A. La primauté des exigences de sécurité routière et environnementale

La Cour souligne que l’harmonisation des exigences techniques pour les composants de véhicules répond à un objectif fondamental de sécurité et de santé. La directive 2007/46 établit un cadre où « les composants visés par les actes réglementaires […] sont soumis à une obligation de réception ». Cet acte administratif certifie qu’un type de composant satisfait aux exigences techniques applicables pour garantir un degré élevé de protection environnementale. Ces exigences constituent des règles impératives que les entités adjudicatrices doivent respecter lors de la passation de marchés publics de fournitures. Par conséquent, les composants soumis à une obligation de réception ne peuvent être commercialisés ou mis en service sans avoir obtenu cette certification.

B. L’insuffisance de la simple déclaration d’équivalence du soumissionnaire

La notion d’équivalence, bien que destinée à favoriser la concurrence, ne saurait contourner les exigences spécifiques imposées par l’harmonisation technique de l’Union. La Cour explique que « les preuves de réception et celles d’équivalence ne sont donc pas interchangeables » car elles recouvrent des réalités juridiques distinctes. Si l’équivalence désigne la fonction ou la valeur identique de deux produits, la réception atteste de la conformité à des normes légales strictes. Une simple déclaration du soumissionnaire ne peut remplacer un certificat délivré par une autorité de réception lorsque le texte l’exige. L’entité adjudicatrice doit donc écarter les offres ne comportant pas les certificats techniques obligatoires pour les pièces destinées au transport public.

II. L’encadrement des preuves de conformité technique

A. L’identification restrictive du constructeur habilité à certifier

La validité d’une déclaration d’équivalence dépend strictement de la qualité de l’entité qui émet ce document à caractère technique. Selon la Cour, une telle déclaration doit émaner d’une instance en mesure de garantir la responsabilité technique et la qualité de la production. La définition du « constructeur » désigne la personne ou l’organisme responsable devant l’autorité de réception pour tous les aspects du processus de fabrication. Cette qualité ne peut être revendiquée par un simple revendeur ou un négociant qui n’intervient pas directement dans la construction. Dès lors, un soumissionnaire qui limite son activité à la commercialisation de produits n’est pas habilité à certifier lui-même l’équivalence technique des composants.

B. La garantie d’une évaluation utile des offres par l’entité adjudicatrice

L’entité adjudicatrice doit disposer de moyens de preuve appropriés pour procéder à une évaluation effective et utile des offres qui lui sont soumises. La Cour précise que le pouvoir d’appréciation de l’entité doit permettre de vérifier que « les solutions proposées satisfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques ». Cette exigence de précision protège le principe d’égalité de traitement en assurant que tous les candidats respectent les mêmes standards de sécurité. La production d’un dossier technique émanant du fabricant réel est nécessaire pour démontrer l’interchangeabilité et la performance des pièces de rechange. En encadrant strictement les modes de preuve, la Cour assure un équilibre entre l’ouverture des marchés et l’impératif de sécurité publique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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