Cour de justice de l’Union européenne, le 27 septembre 2012, n°C-137/11

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 27 septembre 2012, précise les modalités de détermination de la législation de sécurité sociale applicable. Un mandataire résidant et travaillant dans un État membre s’est vu réclamer des cotisations par un organisme de sécurité sociale d’un autre État. Cette demande reposait sur une réglementation nationale présumant l’exercice d’une activité sur son territoire en raison du siège de la société gérée. Saisi d’un recours, le Tribunal du travail de Nivelles a fait droit à l’opposition de la société par un jugement du 14 décembre 2009. La Cour du travail de Bruxelles, saisie de l’appel, a interrogé le juge européen sur la validité de cette présomption d’assujettissement irréfragable. Le litige porte sur la possibilité pour un État membre de définir souverainement le lieu d’exercice de l’activité au mépris de la réalité. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à une telle fiction juridique car elle fait obstacle à la preuve d’une activité étrangère. L’analyse de cette solution repose sur la consécration d’un critère de rattachement fondé sur l’activité réelle et sur l’encadrement des compétences nationales.

I. La consécration d’un critère de rattachement fondé sur l’activité réelle

A. La primauté du lieu d’exécution matérielle des prestations

Le règlement communautaire impose de soumettre les travailleurs au régime d’un seul État pour éviter les cumuls de législations et les complications administratives. La Cour souligne que « le critère du lieu d’exercice de l’activité salariée ou non salariée du travailleur concerné est le critère principal ». Ce principe garantit l’égalité de traitement entre tous les travailleurs occupés sur un même territoire en évitant les discriminations liées à la résidence. La désignation de la loi applicable dépend d’une analyse concrète de la situation professionnelle afin d’identifier le centre effectif des intérêts du travailleur. L’identification du lieu de travail constitue le pivot du système de coordination des régimes de sécurité sociale au sein de l’espace économique européen.

B. L’interprétation autonome de la notion d’exercice par le droit de l’Union

La qualification du lieu d’activité doit être considérée comme relevant du droit de l’Union afin d’assurer une application uniforme dans tous les États membres. Le juge affirme que cette notion désigne « le lieu où, concrètement, la personne concernée accomplit les actes liés à cette activité ». Cette définition prévient les interprétations contradictoires des autorités nationales qui pourraient aboutir à l’application cumulative de plusieurs législations sociales à une seule activité. L’exigence d’une réalité factuelle interdit aux États d’imposer leur compétence législative sur la base de critères purement formels ou de rattachements fictifs. Cette approche protège ainsi le travailleur migrant contre le risque de supporter une double cotisation sociale pour un même revenu.

II. L’encadrement des compétences nationales face aux libertés de circulation

A. Le caractère disproportionné de la présomption d’assujettissement irréfragable

Les États conservent la compétence pour organiser leurs régimes de protection sociale mais ils doivent exercer ce pouvoir dans le respect des traités européens. La Cour reconnaît que la lutte contre la fraude peut justifier des mesures de contrôle pour éviter des délocalisations artificielles d’activités de gestion sociale. Cependant, elle estime qu’en conférant un caractère irréfragable à la présomption, la réglementation nationale « va au-delà de ce qui est strictement nécessaire ». L’impossibilité pour le justiciable d’apporter la preuve contraire d’une activité exercée à l’étranger prive le principe de réalité de toute portée juridique effective. La mesure outrepasse les besoins de la sécurité juridique en sacrifiant la situation réelle des travailleurs mobiles au profit d’une commodité administrative.

B. La préservation de l’effet utile de la mobilité professionnelle

L’application d’une fiction juridique empêchant la démonstration d’une activité dans un autre État constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des personnes. Le juge conclut que le droit de l’Union « s’oppose à une réglementation nationale » réputant exercée sur son sol une activité de gestion accomplie ailleurs. Cette solution assure que les citoyens ne soient pas pénalisés financièrement lorsqu’ils choisissent de s’installer ou de travailler dans différents pays de l’Union. La protection des droits sociaux acquis et la clarté des règles de rattachement favorisent l’établissement d’une liberté de circulation aussi complète que possible. Le respect de la hiérarchie des normes garantit la cohérence du marché intérieur face aux velléités d’extension territoriale des législations nationales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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