La Cour de justice de l’Union européenne apporte des précisions sur le financement des mesures environnementales par le biais du Fonds européen agricole pour le développement rural. Une société propriétaire d’une forêt a sollicité une indemnité pour compenser les pertes liées à une microréserve destinée à la protection d’un oiseau sauvage. Le service national de soutien a rejeté la demande car la requérante se trouvait en situation financière difficile. Saisie d’un pourvoi, la Cour suprême de Lettonie interroge le juge de l’Union sur l’interprétation des règlements relatifs au développement rural et aux aides d’État. La question centrale porte sur l’éligibilité d’une zone protégée hors réseau Natura 2000 aux aides européennes et sur les restrictions liées à la santé financière du bénéficiaire. La juridiction conclut à l’inclusion de ces zones dans le champ d’application des aides tout en maintenant l’exclusion des entreprises en difficulté. L’examen de la qualification juridique de la zone protégée précédera l’analyse des conditions de compatibilité de l’aide avec les règles de concurrence.
I. L’éligibilité des microréserves forestières au soutien du développement rural
A. L’inclusion des zones protégées hors réseau Natura 2000
L’article 30 du règlement n° 1305/2013 permet l’octroi d’une aide annuelle pour indemniser les gestionnaires de forêts subissant des désavantages liés aux directives environnementales. La Cour précise que les zones éligibles incluent « les autres zones naturelles protégées qui sont assorties de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière ». Cette disposition s’applique même si la forêt ne fait pas partie du réseau Natura 2000. Il suffit que l’espace contribue à la cohérence écologique globale prévue par la directive 92/43.
La décision souligne que l’aide vise à compenser les coûts supplémentaires et la perte de revenus subis par les bénéficiaires. La zone en cause constitue une microréserve créée pour assurer la protection du grand tétras, espèce d’oiseau sauvage protégée. Le juge de l’Union valide l’interprétation large des mesures de soutien au développement rural. Les désavantages résultant de la mise en œuvre de la législation environnementale justifient l’intervention financière européenne indépendamment du classement spécifique de la zone.
B. La finalité environnementale comme critère de qualification
La Cour de justice de l’Union européenne rappelle que l’aide prévue au titre du développement rural possède une finalité indemnitaire par nature. Cette qualification ne dépend pas de l’origine nationale ou européenne des fonds mobilisés pour le versement. L’objectif spécifique est de permettre aux gestionnaires forestiers de faire face aux restrictions imposées pour la conservation des habitats et des espèces. Le dispositif englobe les mesures nationales destinées à assurer la survie des oiseaux sauvages conformément aux objectifs climatiques et écologiques.
Les restrictions environnementales touchant l’activité forestière s’analysent comme des sujétions imposées dans un but d’intérêt général reconnu par l’Union. La protection de la biodiversité justifie l’application du règlement sur le développement rural aux zones de protection spéciale. La solution adoptée favorise une gestion durable des ressources naturelles au-delà des limites géographiques des réseaux protégés classiques. Cette interprétation garantit une compensation effective pour les propriétaires fonciers dont l’usage des terres est limité par des impératifs biologiques.
II. L’application rigoureuse du régime des aides d’État aux entreprises en difficulté
A. L’incompatibilité de principe des aides exemptées de notification
Le règlement n° 702/2014 établit un régime d’exemption de notification pour certaines catégories d’aides dans le secteur forestier. La Cour dispose que ce règlement « ne s’applique pas aux aides aux entreprises en difficulté », sauf exceptions limitativement énumérées. Une entreprise est qualifiée ainsi lorsque plus de la moitié de ses fonds propres a disparu à la suite des pertes accumulées. Le juge vérifie si le montant cumulé négatif excède la moitié du capital social souscrit lors de l’examen du rapport annuel.
Cette exclusion vise à garantir que les ressources de l’Union bénéficient à des entités économiquement viables. Les aides accordées sur le fondement du développement rural doivent respecter l’intégralité des dispositions relatives au contrôle des aides d’État. Le caractère indemnitaire du versement ne dispense pas le demandeur de satisfaire aux critères de santé financière. L’autorité nationale doit donc refuser l’aide si la situation comptable de la société présente les caractéristiques d’une fragilité excessive.
B. La conciliation proportionnée entre protection de l’environnement et équilibre économique
La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la validité de cette exclusion au regard du droit de propriété garanti par la Charte des droits fondamentaux. La Cour répond que le droit de propriété n’est pas une prérogative absolue et peut faire l’objet de restrictions proportionnées. L’objectif de protection de la nature justifie des limitations à l’exercice de ce droit sans indemnisation systématique. Le traitement spécifique réservé aux entreprises en difficulté repose sur une différence de situation objective au regard du marché intérieur.
L’inapplicabilité de l’exemption n’empêche pas une notification individuelle de l’aide à la Commission européenne pour un examen approfondi. Cette procédure préserve le juste équilibre entre les impératifs écologiques et la surveillance des distorsions de concurrence. Le principe d’égalité de traitement impose de soumettre les entreprises fragiles à un contrôle plus strict de la part des autorités publiques. La décision confirme ainsi la prééminence des règles budgétaires et concurrentielles sur les mécanismes automatiques de compensation financière.