Cour de justice de l’Union européenne, le 28 avril 2022, n°C-277/21

La Cour de justice de l’Union européenne, dixième chambre, a rendu, le 28 avril 2022, une décision fondamentale concernant la classification des organismes privés. Des institutions sans but lucratif actives dans l’enseignement reçoivent des subventions publiques tout en bénéficiant d’une liberté pédagogique garantie par la Constitution. L’administration nationale prétend intégrer ces entités dans le secteur public en raison du contrôle exercé par le biais de la réglementation nationale. Une juridiction nationale a saisi la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation du règlement relatif au système européen des comptes. La question de droit porte sur la définition de la notion de réglementation excessive comme critère de contrôle d’une unité institutionnelle. Le juge européen estime que des pouvoirs administratifs intrusifs permettent de conclure à une influence réelle et substantielle sur les orientations stratégiques. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation du contrôle public par la réglementation excessive avant d’étudier la distinction entre réglementation générale et spécifique.

I. La caractérisation du contrôle public par la réglementation excessive

A. L’identification des critères d’une ingérence administrative substantielle

Le juge européen examine les prérogatives administratives pour déterminer si elles constituent une forme de contrôle au sens du droit comptable. La réglementation nationale permet à l’autorité publique « d’approuver les programmes d’études » et de définir les missions prioritaires des établissements. Le contrôle s’exerce également par l’organisation d’inspections portant sur « les branches enseignées » ainsi que sur « l’application des lois linguistiques ». Ces missions réglementaires confèrent à l’État un pouvoir de direction dépassant la simple surveillance technique ou pédagogique de l’enseignement dispensé. Cette ingérence administrative doit être mise en perspective avec la capacité réelle de l’entité à définir ses orientations fondamentales.

B. L’exigence d’une influence réelle sur la politique générale de l’entité

La qualification de réglementation excessive suppose que l’administration puisse influencer durablement les orientations stratégiques et opérationnelles des institutions sans but lucratif. Les juges considèrent que les pouvoirs administratifs doivent permettre d’exercer « une influence réelle et substantielle sur la définition et la réalisation » des objectifs. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces interventions déterminent effectivement le programme ou la politique générale des organismes. La reconnaissance d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution n’empêche pas l’existence d’un contrôle économique effectif selon les critères européens. Cette approche fonctionnelle privilégie la réalité du pouvoir de décision sur la forme juridique des rapports entre l’administration et l’institution. La distinction entre ces contraintes spécifiques et les règles communes au secteur d’activité complète ce raisonnement juridique.

II. La distinction entre réglementation sectorielle et contrôle comptable

A. L’exclusion d’une réglementation générale au sens du système des comptes

La décision précise que les dispositions s’appliquant uniquement aux entités financées ne relèvent pas d’une réglementation générale du domaine d’activité. La Cour interprète restrictivement la notion de « réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité ». Un régime juridique applicable seulement au personnel des institutions bénéficiant d’un financement public ne saurait être qualifié de règle commune. Cette précision garantit que seules les contraintes imposées à l’ensemble des acteurs du secteur échappent à la qualification de contrôle. Par conséquent, une réglementation ciblée renforce la présomption d’une emprise publique sur la gestion des ressources humaines de l’institution.

B. L’impact de la classification dans le secteur des administrations publiques

L’existence d’un contrôle par la réglementation entraîne l’incorporation des institutions privées dans le périmètre comptable des administrations publiques nationales. La Cour souligne que l’influence doit porter sur « les orientations stratégiques et les lignes directrices » que les institutions entendent poursuivre. Cette solution assure une application uniforme des règles budgétaires européennes en évitant que des structures contrôlées restent hors du bilan public. Le respect des critères d’indépendance opérationnelle demeure essentiel pour préserver la classification des entités dans le secteur des institutions privées. La vérification finale de ces éléments factuels par le juge national garantit la conformité de la pratique administrative au droit de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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