La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 28 avril 2022, précise les critères de classification comptable des institutions sans but lucratif. Un litige oppose des organismes d’enseignement privé subventionnés à l’administration nationale concernant leur intégration dans le secteur des administrations publiques pour la comptabilité nationale. Ces entités bénéficient d’une liberté d’enseignement constitutionnelle tout en étant soumises à un contrôle administratif strict portant sur les programmes et le personnel. La juridiction nationale s’interroge sur l’interprétation du règlement (UE) n° 549/2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux. Elle cherche à savoir si les prérogatives administratives en matière de programmes, d’inspection et de gestion des effectifs constituent une réglementation excessive. La Cour de justice énonce que de telles mesures relèvent de la réglementation excessive si elles permettent d’exercer une influence durable sur les orientations stratégiques. Elle exclut par ailleurs que des règles spécifiques au personnel des seules institutions financées puissent constituer une réglementation générale s’appliquant à toutes les unités.
I. La caractérisation de la réglementation excessive dans le secteur éducatif
A. L’identification des critères d’immixtion administrative
Le juge européen définit la réglementation excessive comme un ensemble de mesures permettant à l’administration de dicter la politique générale de l’institution concernée. Cette notion englobe l’approbation des programmes d’études, le contrôle des conditions d’inscription des élèves et l’organisation d’inspections régulières sur les branches enseignées. La Cour souligne que ces interventions doivent être « suffisamment intrusives pour déterminer, dans les faits, la politique générale ou le programme des institutions sans but lucratif ». L’exigence de remise d’un rapport d’activités et la fixation d’un nombre minimum d’élèves par classe renforcent cette emprise administrative substantielle. Le droit de réglementer les missions prioritaires et spécifiques constitue un levier majeur pour orienter l’activité éducative des organismes privés subventionnés.
B. La détermination de l’influence réelle sur la politique générale
L’appréciation de l’excessivité de la réglementation repose sur la capacité de l’autorité publique à exercer une influence réelle et durable sur les objectifs institutionnels. La Cour de justice délègue à la juridiction nationale la vérification du degré d’intrusion effectif de ces mécanismes de contrôle dans la gestion quotidienne. Cette approche fonctionnelle privilégie la réalité du pouvoir décisionnel sur la simple qualification juridique formelle des relations entre l’État et les partenaires privés. Elle permet d’identifier si les institutions conservent une autonomie réelle ou si elles agissent comme de simples instruments d’exécution des politiques publiques. Le critère de l’influence substantielle sur les aspects opérationnels assure une cohérence avec les principes de la comptabilité nationale européenne.
II. L’exclusion de la qualification de réglementation générale pour les régimes catégoriels
A. L’interprétation restrictive de la notion de réglementation commune
La décision rejette la qualification de réglementation générale pour les dispositions législatives visant exclusivement les membres du personnel des institutions d’enseignement subventionnées. Une telle réglementation ne s’applique pas à toutes les unités opérant dans le même domaine d’activité mais cible uniquement les bénéficiaires de fonds publics. La Cour de justice précise que la notion de réglementation générale implique une portée universelle au sein d’un secteur économique ou social déterminé sans distinction. L’existence d’un régime juridique dérogatoire pour le personnel enseignant des structures financées par l’administration publique rompt cette exigence d’uniformité sectorielle. Cette distinction est cruciale pour déterminer si l’influence exercée par l’État découle de son pouvoir réglementaire souverain ou de son rôle de financeur.
B. Les incidences comptables de la classification des institutions sans but lucratif
Cette interprétation stricte de la réglementation générale limite les possibilités pour les États membres d’exclure certaines entités du secteur des administrations publiques. La classification des institutions sans but lucratif dans le giron public impacte directement le calcul du déficit et de la dette des États membres. La solution retenue par la Cour renforce la transparence des comptes nationaux en empêchant le contournement des règles budgétaires par l’utilisation de structures privées contrôlées. Les critères posés par cet arrêt s’appliqueront à l’avenir à d’autres secteurs subventionnés où l’administration exerce un contrôle normatif et financier conjoint. La pérennité de l’influence administrative devient le pivot central de la qualification comptable des organismes partenaires de l’action publique européenne.