La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le onze septembre deux mille douze, précise l’interprétation de l’article soixante-trois du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La juridiction examine la conformité d’une méthode nationale de calcul du plafond d’imputation de l’impôt étranger au regard de la libre circulation des capitaux.
Un couple résidant en Allemagne perçoit des dividendes provenant de participations minoritaires dans plusieurs sociétés établies au sein d’États membres et d’États tiers. Ces revenus font l’objet d’une retenue à la source dans les pays d’origine, conformément aux conventions bilatérales visant à éviter les doubles impositions. L’administration fiscale allemande impute ces prélèvements sur l’impôt national mais applique un plafonnement calculé selon le rapport entre les revenus étrangers et la somme totale des revenus. Cette somme globale ne déduit pas les dépenses spéciales et les charges extraordinaires liées à la situation personnelle ou familiale, contrairement au calcul de l’impôt sur le revenu imposable.
Les requérants contestent cette méthode devant les juridictions nationales car elle réduit mécaniquement le montant de l’imputation dont ils peuvent bénéficier pour leurs investissements transfrontaliers. Le Bundesfinanzhof décide de surseoir à statuer pour demander à la Cour si le droit de l’Union s’oppose à une telle exclusion des charges personnelles du dénominateur. La Cour répond positivement en soulignant que cette modalité de calcul désavantage les résidents investissant à l’étranger par rapport à ceux limitant leurs placements au territoire national.
**I. La caractérisation d’une entrave à la libre circulation des capitaux**
**A. L’identification d’une différence de traitement préjudiciable**
Le droit fiscal allemand prévoit une formule de calcul du plafond d’imputation qui utilise au dénominateur la somme des revenus sans tenir compte des charges liées au train de vie. Cette modalité technique a pour conséquence directe d’abaisser la valeur du crédit d’impôt dont le contribuable résident est susceptible de bénéficier pour ses revenus de source étrangère. Le juge de l’Union relève que l’utilisation de cette masse de revenus au lieu du revenu imposable conduit à une prise en compte incomplète de la situation personnelle.
L’effet concret de cette réglementation est de ne faire bénéficier l’administré des abattements personnels « qu’au prorata des revenus qu’il avait perçus dans l’État membre de sa résidence ». Les dépenses relatives à la situation familiale se trouvent ainsi partiellement neutralisées dès lors qu’une part du patrimoine est investie en dehors des frontières nationales. Cette différence de traitement repose uniquement sur l’origine géographique des revenus de capitaux perçus par les personnes physiques intégralement assujetties à l’impôt en Allemagne.
**B. Le désavantage fiscal lié à l’investissement transfrontalier**
La Cour considère que cette méthode constitue une restriction aux mouvements de capitaux car elle est de nature à « dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États ». Un contribuable percevant l’intégralité de ses revenus sur le territoire national bénéficie de la totalité des déductions fiscales pour ses charges extraordinaires. À l’inverse, celui qui diversifie ses placements au sein du marché intérieur voit l’avantage lié à sa capacité contributive personnelle réduit par le mécanisme du plafonnement.
Cette situation place les investisseurs transfrontaliers dans une position moins favorable que les épargnants dont la situation est exclusivement interne au regard de la législation fiscale. La protection de la libre circulation des capitaux interdit aux États membres d’instaurer des mesures fiscales traitant moins bien les situations présentant un élément d’extranéité. L’entrave est ici d’autant plus caractérisée que le désavantage financier découle directement de la structure même de la formule mathématique imposée par le législateur national.
**II. L’inéluctable rejet des justifications fondées sur la souveraineté fiscale**
**A. L’obligation pour l’État de résidence d’assumer les charges personnelles**
La jurisprudence constante rappelle que « c’est en principe à l’État de résidence qu’il incombe d’accorder au contribuable la totalité des avantages fiscaux liés à sa situation personnelle et familiale ». Cet État est le mieux à même d’apprécier la capacité réelle du contribuable puisque ce dernier y possède généralement le centre de ses intérêts. La Cour transpose ainsi les principes dégagés antérieurement en matière de libre circulation des travailleurs à la situation spécifique des revenus de capitaux mobiliers.
L’État de résidence ne peut valablement soutenir que ces charges doivent être réparties proportionnellement entre tous les États d’où proviennent les différents éléments du revenu global. Une telle approche aboutirait à une perte définitive d’avantages fiscaux dès lors que les États de source ne sont pas tenus de reconnaître la situation personnelle des non-résidents. Par conséquent, la juridiction européenne impose au pays de résidence d’intégrer pleinement ces éléments de déduction lors du calcul final de la charge fiscale pesant sur son ressortissant.
**B. L’inefficience des arguments tirés de la répartition des compétences**
L’administration soutient vainement que la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres justifie le maintien de cette méthode de calcul restrictive. La Cour écarte cet argument au motif que la reconnaissance intégrale des déductions de type personnel ne compromet pas le droit de l’État d’exercer sa compétence. L’État membre ne renonce pas à sa souveraineté fiscale en permettant une imputation plus juste qui respecte les principes fondamentaux de circulation garantis par les traités.
L’article soixante-trois du traité s’oppose donc à ce que le calcul de l’imputation ignore les dépenses spéciales et les charges extraordinaires liées à la vie du contribuable. La solution retenue confirme que les dispositifs techniques visant à limiter la double imposition ne sauraient servir de vecteur à une discrimination indirecte des investisseurs. Cette décision renforce la protection des particuliers contre les mécanismes fiscaux nationaux dont la complexité aboutit à une segmentation injustifiée du marché intérieur européen.