La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 28 février 2013, se prononce sur l’exonération fiscale des revenus salariaux perçus par un résident. Un ressortissant européen demeurant en Allemagne exerce son activité au Bénin pour le compte d’une société établie au Danemark dans le cadre d’un projet de développement. L’administration fiscale nationale refuse d’exonérer ses revenus au motif que son employeur n’est pas établi sur le territoire national, contrairement aux exigences de l’instruction ministérielle. Saisi du litige, le Finanzgericht Rheinland-Pfalz interroge la juridiction européenne sur la compatibilité de cette restriction avec les libertés fondamentales garanties par les traités. Les requérants invoquent une entrave à la libre prestation de services, tandis que l’État membre conteste l’applicabilité du droit de l’Union à une mission extra-européenne. La question posée invite à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une règle subordonnant un avantage fiscal à l’établissement national de l’employeur. La juridiction européenne confirme d’abord l’application de la libre circulation des travailleurs avant de sanctionner une mesure discriminatoire dépourvue de justifications suffisantes.
I. L’applicabilité de la libre circulation des travailleurs au salarié détaché
A. La prééminence de la liberté de circulation sur la prestation de services
La Cour examine la nature de la relation juridique pour identifier la liberté fondamentale applicable au litige opposant le contribuable à l’administration fiscale. Elle rappelle que la caractéristique du travailleur réside dans l’accomplissement de prestations sous la direction d’autrui en contrepartie d’une rémunération réelle et effective. La décision précise que « doit être considérée comme « travailleur » au sens de l’article 45 TFUE toute personne qui exerce des activités réelles et effectives ». Les dispositions relatives à la libre prestation de services concernent exclusivement les activités effectuées par des prestataires indépendants agissant hors de tout lien de subordination. Dès lors qu’une réglementation vise l’imposition d’un salarié, les effets restrictifs sur l’employeur ne justifient pas un examen autonome au titre de l’article 56. La protection du droit de l’Union s’étend à tout ressortissant souhaitant exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre de l’Union.
B. Le maintien d’un lien de rattachement avec le territoire de l’Union
Le gouvernement national soutient que l’activité exercée exclusivement dans un État tiers exclut l’application de la libre circulation en l’absence de lien suffisant. La Cour rejette cette argumentation en soulignant que le droit de l’Union régit tout rapport juridique localisé sur le territoire de l’organisation européenne. Elle juge ainsi que les traités s’imposent dès lors que ces rapports « peuvent être localisés sur le territoire de l’Union » par leur établissement ou leurs effets. Dans cette affaire, le rattachement découle du recrutement d’un citoyen résidant dans un État membre par une entreprise établie dans un autre État. Le contrat de travail soumis au droit d’un État membre et le versement du salaire sur un compte européen constituent des éléments de rattachement déterminants. L’exercice effectif de la mission au Bénin ne saurait remettre en cause ces facteurs d’intégration aux règles pertinentes du droit de la libre circulation.
II. La caractérisation d’une entrave fiscale discriminatoire et injustifiée
A. L’existence d’une restriction à la mobilité des travailleurs résidents
La possibilité de bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu constitue un avantage fiscal dont le bénéfice influence les choix professionnels des contribuables. La réglementation nationale instaure une différence de traitement fondée uniquement sur le lieu d’établissement de l’employeur, favorisant ainsi les seules entités situées sur le territoire national. La Cour affirme qu’en instaurant une telle distinction, la règle « est susceptible de dissuader lesdits travailleurs d’accepter un emploi auprès d’un employeur établi dans un autre État membre ». Ce mécanisme crée un désavantage économique pour le salarié obligé de supporter une charge fiscale supérieure à celle d’un collègue travaillant pour une société nationale. Une telle mesure constitue donc une restriction à la libre circulation des travailleurs, prohibée en principe par les dispositions claires de l’article 45 du traité.
B. Le rejet des justifications fondées sur l’intérêt général
L’État membre invoque la nécessité d’assurer l’efficacité des contrôles fiscaux et de promouvoir ses propres objectifs de politique publique en matière de développement international. La Cour rappelle qu’un État ne peut invoquer l’impossibilité de solliciter un État tiers « pour justifier le refus d’un avantage fiscal » s’il peut exiger les preuves nécessaires. L’administration fiscale est en mesure de demander au contribuable les pièces justificatives permettant de vérifier le respect des conditions requises pour obtenir l’exonération sollicitée. L’argument relatif à la politique de développement est également écarté car l’État n’explique pas pourquoi seules les entreprises nationales seraient capables de poursuivre ces objectifs. La condition liée à l’établissement de l’employeur n’apparaît donc pas nécessaire pour garantir la réalisation des buts légitimes poursuivis par la législation fiscale nationale.