La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 février 2013, une décision fondamentale relative à la libéralisation du transport ferroviaire.
L’organe exécutif de l’Union contestait la conformité de la législation d’un État membre quant à l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure et aux tarifs.
Le litige portait sur la transposition des directives régissant la répartition des capacités et la tarification de l’utilisation des voies ferrées nationales.
Après une phase précontentieuse infructueuse, la partie requérante a introduit un recours en manquement devant le juge de l’Union sur le fondement du traité.
Elle soutenait que l’intégration du gestionnaire dans une société holding nuisait à son autonomie décisionnelle au profit des entreprises de transport du groupe.
Le recours critiquait également l’absence de mesures d’incitation à la réduction des coûts et l’insuffisance des pouvoirs dévolus à l’autorité de régulation.
La juridiction rejette l’intégralité des griefs en estimant que l’indépendance requise n’impose pas une séparation de propriété au-delà des exigences comptables précises.
L’examen de cette solution conduit à envisager l’affirmation d’une flexibilité organisationnelle pour la gestion de l’infrastructure avant d’analyser la discrétion étatique régulatrice.
I. L’affirmation d’une flexibilité organisationnelle pour la gestion de l’infrastructure
A. La licéité du modèle de la société holding
La Cour rappelle que la législation européenne n’impose qu’une séparation comptable entre les services de transport et les activités de gestion du réseau.
L’existence d’une structure de holding reste compatible avec le droit de l’Union si des divisions organiques distinctes assurent les fonctions dites essentielles.
Les juges soulignent que la séparation « peut se faire au moyen de divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise » intégrée verticalement.
L’indépendance juridique et décisionnelle doit s’apprécier au regard des fonctions de tarification et de répartition sans exiger une autonomie économique totalement absolue.
L’entité gestionnaire peut ainsi disposer d’une personnalité juridique propre tout en appartenant à un groupe supervisant par ailleurs des entreprises ferroviaires concurrentes.
B. L’exigence de preuves concrètes quant au défaut d’indépendance
Le juge écarte les critères de contrôle proposés par la partie requérante car ils ne figurent dans aucun acte législatif doté d’une force contraignante.
Le manquement ne saurait se déduire de simples présomptions théoriques liées à l’appartenance d’une filiale à un groupe de sociétés du secteur ferroviaire.
La décision précise qu’il « incombe à la partie requérante d’établir l’existence du manquement allégué » par la production d’éléments matériels et vérifiables.
L’absence de preuves démontrant une influence indue de la société mère sur les décisions quotidiennes de sa filiale justifie le rejet du grief.
Le respect de l’indépendance décisionnelle s’apprécie donc concrètement à travers les règlements intérieurs et les contrats encadrant les relations au sein du groupe.
II. La reconnaissance du pouvoir discrétionnaire étatique en matière de régulation
A. La souplesse des mécanismes de tarification et d’incitation
L’État membre dispose d’une marge de manœuvre significative pour définir le cadre de tarification tout en laissant au gestionnaire sa liberté d’action.
Le système doit simplement « inciter les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire à optimiser l’utilisation de leur infrastructure » par des instruments de gestion adaptés.
La juridiction considère que des contrats pluriannuels limitant les subventions publiques constituent des mesures d’incitation suffisantes pour réduire les coûts de fourniture.
L’obligation de réduire les redevances d’accès n’est pas autonome par rapport à la diminution des dépenses globales engagées pour l’entretien du réseau.
Cette interprétation préserve l’équilibre financier du gestionnaire tout en favorisant une gestion efficace de l’infrastructure conformément aux objectifs du premier paquet ferroviaire.
B. L’étroit encadrement des prérogatives de l’organisme de contrôle
L’autorité nationale de régulation exerce une mission de surveillance centrée sur la garantie d’un accès équitable et non discriminatoire aux voies ferrées.
Son rôle s’apparente à celui d’un organe de recours dont l’intervention nécessite généralement la saisine par un candidat s’estimant lésé ou discriminé.
La Cour juge que la possibilité d’obtenir des informations « découle de l’article 30, paragraphe 2 » de la directive en cas de plainte.
L’organisme ne peut donc initier des enquêtes systématiques ou contraignantes sans l’existence préalable d’une suspicion concrète d’infraction aux règles de concurrence.
Le juge de l’Union confirme ainsi une lecture restrictive des pouvoirs d’enquête d’office afin de respecter les compétences respectives des différents acteurs nationaux.