Cour de justice de l’Union européenne, le 28 février 2018, n°C-307/16

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 1er mars 2018, précise les limites du pouvoir des États en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le litige oppose un commerçant vendant des marchandises à des voyageurs résidant hors de l’Union européenne à l’administration fiscale de son État membre. Cet assujetti procède lui-même aux remboursements de la taxe sans recourir à un organisme tiers agréé par les autorités nationales compétentes. L’administration lui refuse le bénéfice de l’exonération car son chiffre d’affaires annuel est inférieur au seuil minimal fixé par la loi locale. Le tribunal administratif de Lublin rejette le recours initial en validant le caractère impératif de cette condition financière pour l’application du taux zéro. La Cour suprême administrative de Pologne saisit alors la juridiction européenne d’une question préjudicielle portant sur la validité de ces restrictions administratives. Le requérant soutient que ces obligations violent les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité garantis par le droit de l’Union. L’administration affirme au contraire que ces mesures sont nécessaires pour prévenir les risques de fraude et assurer la perception exacte de l’impôt. La Cour de justice doit déterminer si la directive permet de subordonner une exonération à des critères financiers ou contractuels non prévus par le texte européen. Elle juge que de telles exigences nationales s’opposent au droit communautaire dès lors que la réalité de l’exportation des biens est matériellement prouvée.

**I. L’interprétation stricte des conditions matérielles de l’exonération**

**A. L’absence de fondement textuel dans la directive**

Les articles 146 et 147 de la directive ne soumettent l’exonération à aucun seuil de revenus pour le vendeur des biens transportés. La Cour relève expressément que le texte européen « ne prévoit pas une condition selon laquelle l’assujetti doit avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal ». Les obligations d’exonération visent essentiellement la sortie physique des marchandises hors du territoire de l’Union et la qualité de l’acheteur étranger. L’introduction d’un critère financier lié à l’activité globale du vendeur constitue un ajout unilatéral des autorités nationales au régime commun de la taxe.

**B. La préservation du droit à l’exonération des exportations**

L’exonération des livraisons à l’exportation repose sur le principe de destination selon lequel la taxe est perçue au lieu de la consommation. La juridiction rappelle que l’avantage fiscal est acquis dès lors que « le bien a physiquement quitté le territoire de l’Union » après la transmission de propriété. Le non-respect d’une obligation de forme ne saurait remettre en cause un droit substantiel quand les conditions de fond sont par ailleurs remplies. La sécurité juridique des opérateurs économiques exige que l’accès au régime de faveur ne dépende pas de conditions purement arbitraires ou discriminatoires.

**II. L’encadrement rigoureux du pouvoir de police fiscale des États**

**A. Le constat d’une violation du principe de proportionnalité**

Si les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour lutter contre la fraude, ils doivent choisir les moyens les moins contraignants possibles. La Cour souligne que les mesures nationales doivent « avoir recours à des moyens qui (…) portent le moins possible atteinte aux objectifs » de la législation européenne. L’exigence d’un chiffre d’affaires élevé ou d’un contrat avec un prestataire spécifique apparaît manifestement excessive au regard de l’objectif recherché. Cette restriction prive définitivement des assujettis honnêtes d’un bénéfice fiscal sans que cela soit indispensable à la protection du Trésor public.

**B. L’inopposabilité des mesures de lutte contre la fraude sans risque avéré**

L’absence de risque de perte fiscale rend injustifiée toute mesure restrictive qui ferait obstacle à l’application d’une exonération légalement due à l’opérateur. La Cour affirme qu’il « n’existe plus, en principe, de risque d’une fraude fiscale » dès que la réalité du transport transfrontalier est dûment établie. L’imposition d’une opération d’exportation réelle sous prétexte de simplifier le contrôle administratif contrevient directement au principe de neutralité de la taxe. Le juge européen censure ainsi une réglementation qui transforme une simple modalité d’exécution en une condition de fond prohibitive pour les petits commerçants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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