Cour de justice de l’Union européenne, le 28 février 2019, n°C-465/16

Un règlement de l’Union européenne institue un droit antidumping définitif sur le bioéthanol originaire d’un État tiers pour une période de cinq ans. Des associations représentant les producteurs de ce pays contestent cette mesure devant le juge de l’Union. Le Tribunal de l’Union européenne fait droit à leur demande en annulant partiellement l’acte litigieux. L’institution européenne auteur du règlement forme alors un pourvoi devant la Cour de justice pour contester la recevabilité du recours initial. La question posée concerne l’affectation directe de producteurs dont les marchandises parviennent dans l’Union par l’intermédiaire de négociants indépendants. La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 28 février 2019, considère que ces producteurs ne sont pas directement concernés. Elle annule donc l’arrêt de première instance tout en renvoyant l’affaire pour examiner la situation spécifique des négociants. L’analyse de l’affectation directe des producteurs précédera l’examen de la qualité pour agir des associations représentatives.

I. LA RIGUEUR DE LA CONDITION D’AFFECTATION DIRECTE DANS LE CONTENTIEUX ANTIDUMPING

A. L’exigence d’une exportation directe pour l’imputation du dumping

Le juge de l’Union rappelle qu’une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours. Cette condition exige que l’acte produise des effets sur la situation juridique de l’intéressé sans laisser de pouvoir d’appréciation aux autorités d’exécution. La Cour précise qu’une entreprise n’est pas directement concernée par sa seule qualité de productrice du produit soumis au droit. Elle souligne que « la qualité d’exportatrice étant, à cet égard, essentielle » pour justifier l’intérêt à agir contre un tel règlement. « Un producteur qui n’exporte pas sa production sur le marché de l’Union… ne saurait se voir imputer une pratique de dumping ». L’imputation personnelle du comportement déloyal constitue le fondement nécessaire de l’affectation juridique directe du requérant devant la juridiction européenne.

B. L’insuffisance du désavantage concurrentiel comme critère d’affectation juridique

Les producteurs soutenaient que l’imposition de droits antidumping modifiait substantiellement leurs conditions de commercialisation sur le marché européen. La Cour rejette cet argument en distinguant les conséquences économiques indirectes des effets juridiques directs de la mesure litigieuse. « S’il est vrai que le règlement litigieux peut placer les producteurs… dans une position concurrentielle désavantageuse, cette circonstance… ne permet pas en soi » de justifier le recours. Le préjudice commercial ressenti par les fabricants demeure une conséquence indirecte de l’acte qui frappe les marchandises lors de leur importation. L’affectation directe suppose une modification de la situation légale du justiciable découlant de la seule réglementation de l’Union européenne. L’analyse rigoureuse de l’affectation directe des producteurs précède nécessairement l’étude des modalités de représentation des intérêts collectifs par les associations professionnelles.

II. LES LIMITES ET OUVERTURES DE LA REPRÉSENTATION ASSOCIATIVE EN JUSTICE

A. Le périmètre restreint du recours fondé sur les garanties procédurales

Les associations requérantes revendiquaient également une qualité pour agir fondée sur leur participation active à la procédure administrative préalable. La Cour de justice admet que ces entités bénéficient de certaines garanties procédurales reconnues par le règlement de base. Une telle reconnaissance ne saurait toutefois leur conférer un droit de recours illimité contre le contenu matériel de la décision finale. « Le simple fait d’invoquer l’existence de garanties procédurales ne saurait entraîner la recevabilité du recours » portant sur des règles de fond. L’association peut agir pour sauvegarder ses droits propres mais elle ne peut pas contester la légalité de l’institution des droits. Cette distinction préserve l’équilibre entre la protection des droits de la défense et les conditions de recevabilité de l’article deux cent soixante-trois.

B. La reconnaissance de la qualité pour agir au nom de membres dépourvus de droit de vote

L’arrêt censure le raisonnement du Tribunal concernant la représentation des membres qualifiés d’associés par les statuts des organisations requérantes. Le premier juge avait estimé que l’absence de droit de vote empêchait l’association de défendre les intérêts de ces entreprises. La Cour estime au contraire que « l’absence de droit de vote de certains membres… ne suffit pas pour établir » l’impossibilité de représentation. L’objet social de l’entité collective doit être apprécié largement pour inclure la défense des intérêts commerciaux de tous ses adhérents. Cette ouverture facilite l’accès au juge pour les groupements professionnels dont l’organisation interne est régie par des droits étrangers variés. La Cour ordonne le renvoi de l’affaire afin que soit examinée l’affectation individuelle de ces membres négociants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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