Cour de justice de l’Union européenne, le 28 février 2019, n°C-579/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 28 février 2019 dans l’affaire C-579/17, précise le champ d’application du règlement n° 1215/2012. Un organisme de droit public réclame à une entreprise étrangère des suppléments salariaux destinés au financement des congés payés de travailleurs détachés. Une entreprise de droit slovène a employé des salariés sur le territoire autrichien pour l’exécution de chantiers de construction durant plusieurs mois consécutifs. L’employeur n’ayant pas comparu, l’Arbeits- und Sozialgericht Wien a rendu un jugement le 28 avril 2017 condamnant celui-ci au paiement des arriérés. L’organisme de recouvrement a ensuite sollicité la délivrance d’un certificat d’exécution transfrontalière sur le fondement de l’article 53 du règlement Bruxelles I bis. La juridiction de renvoi s’interroge sur la nature civile de la créance, fixée par arrêté ministériel et recouvrée avec des pouvoirs d’enquête étendus. Le litige porte sur l’applicabilité du droit de l’Union à une action engagée par une autorité publique pouvant exercer des prérogatives de puissance publique. La Cour juge que l’action relève de la matière civile si les modalités d’exercice ne dérogent pas aux règles de droit commun. Elle exclut également la qualification de sécurité sociale car l’indemnité est intrinsèquement liée au contrat de travail liant l’employeur à ses salariés. L’étude de cette décision impose d’analyser l’affirmation de la nature civile du recouvrement salarial avant d’envisager la réserve liée à la puissance publique.

I. L’affirmation de la nature civile d’une action de recouvrement salarial

A. Le lien intrinsèque entre les suppléments et la rémunération contractuelle

La Cour examine le rapport juridique existant entre les parties pour déterminer si la matière relève du règlement n° 1215/2012. L’obligation de l’employeur d’acquitter les suppléments est « intrinsèquement liée aux droits, de nature civile, des travailleurs à l’indemnité de congés payés ». Cette indemnité « fait partie de la rémunération due, en vertu du contrat de travail » pour le travail effectué par le salarié détaché. Par conséquent, le fondement contractuel de la créance initiale détermine la nature de l’action engagée par l’organisme chargé de la collecte. Cette approche contractuelle de la matière doit néanmoins être confrontée aux exclusions textuelles prévues par le règlement concernant la sécurité sociale.

B. L’inapplicabilité de l’exclusion relative à la sécurité sociale

L’exclusion relative à la sécurité sociale doit faire l’objet d’une interprétation stricte afin de préserver l’effet utile du droit de l’Union. La Cour précise que l’indemnité litigieuse est versée « en raison du travail effectué » par l’intermédiaire d’un organisme collectif de droit public. De plus, cette prestation ne correspond pas à l’un des risques sociaux énumérés limitativement par le règlement n° 883/2004 sur la sécurité sociale. Le mécanisme de solidarité ne modifie pas la nature salariale des sommes réclamées par l’organisme à l’entreprise de construction défaillante. Toutefois, la nature privée du fondement de la créance peut s’effacer devant les prérogatives exorbitantes utilisées lors de la phase de recouvrement.

II. La réserve tenant à l’exercice de prérogatives de puissance publique

A. Le risque d’une position dérogatoire aux règles de droit commun

L’exercice de la puissance publique exclut un litige du champ civil si l’autorité manifeste des pouvoirs exorbitants par rapport aux particuliers. L’organisme agirait en vertu d’une « prérogative propre de droit public » s’il pouvait fixer unilatéralement le montant d’un titre de perception. À cet égard, le juge national doit vérifier si la législation attribue un effet constitutif à la constatation de la créance effectuée. Une telle position dérogatoire aux règles procédurales classiques transformerait la nature de l’action judiciaire en une manifestation de l’autorité étatique. L’existence de tels pouvoirs dérogatoires ne suffit pas à exclure la matière civile sans une analyse approfondie du contrôle juridictionnel effectif.

B. La nécessaire plénitude du contrôle juridictionnel sur le bien-fondé

La qualification civile dépend finalement de la capacité du tribunal à contrôler l’exactitude des données justifiant la demande de paiement. L’action sort du règlement si le juge ne peut pas procéder à un examen au fond quant au « bien-fondé de la créance ». Dès lors, le respect du principe de confiance réciproque impose que les décisions circulant librement résultent d’une procédure respectant les garanties privées. Une procédure devient administrative si la juridiction se limite à vérifier les conditions formelles d’application de la réglementation nationale en vigueur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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