La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu sur question préjudicielle, vient préciser l’articulation entre les garanties procédurales offertes aux personnes poursuivies et le mécanisme de coopération judiciaire qu’est le mandat d’arrêt européen. En l’espèce, une personne avait fait l’objet d’une arrestation sur le territoire d’un État membre en exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités judiciaires d’un autre État membre. Contestant la régularité de la procédure de remise dont elle faisait l’objet, cette personne a soutenu ne pas avoir bénéficié des droits à l’information prévus par la directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. La juridiction nationale saisie, confrontée à une difficulté d’interprétation du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice. La question de droit posée était double : il s’agissait d’une part de déterminer si les droits à l’information consacrés par la directive 2012/13/UE sont applicables à une personne arrêtée aux fins d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, et d’autre part de s’assurer de la validité de la décision-cadre instituant ce mandat au regard des droits fondamentaux garantis par la Charte, notamment le droit à un procès équitable et à un recours effectif. La Cour de justice répond que « les droits qui y sont visés ne sont pas applicables aux personnes arrêtées aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen » et qu’aucun élément n’est « de nature à affecter la validité de la décision-cadre 2002/584/JAI ». La solution retenue, qui distingue nettement le champ d’application des droits procéduraux de celui de la coopération judiciaire, appelle une analyse de l’exclusion de la procédure de remise du droit à l’information (I), puis une évaluation de la validité confirmée du mandat d’arrêt européen au regard des exigences fondamentales (II).
I. L’exclusion de la procédure de remise du champ d’application du droit à l’information
La Cour opère une lecture finaliste du droit de l’Union pour séparer le régime de la coopération judiciaire de celui de la procédure pénale au fond. Elle procède ainsi à une interprétation stricte du champ matériel de la directive sur le droit à l’information (A), ce qui a pour effet de consacrer l’existence d’un régime procédural autonome pour le mandat d’arrêt européen (B).
A. Une interprétation stricte du champ matériel de la directive 2012/13/UE
La décision commentée établit une frontière claire entre les garanties applicables à une personne suspectée ou poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale nationale et celles offertes à une personne faisant l’objet d’une procédure de remise. En affirmant que les droits prévus par la directive 2012/13/UE « ne sont pas applicables aux personnes arrêtées aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen », la Cour souligne la nature spécifique de cet instrument. La directive vise en effet à garantir que toute personne, dès qu’elle est informée par les autorités compétentes qu’elle est suspectée ou poursuivie, reçoive des informations sur ses droits procéduraux. Or, la procédure d’exécution du mandat d’arrêt européen n’a pas pour objet de statuer sur la culpabilité de la personne concernée, mais uniquement de permettre sa remise à l’État membre qui l’a émis. Le raisonnement de la Cour repose sur la distinction entre la procédure de coopération judiciaire, régie par le principe de reconnaissance mutuelle, et la procédure pénale au fond, qui se déroulera dans l’État membre d’émission. C’est dans ce second cadre que les droits prévus par la directive 2012/13/UE trouveront pleinement à s’appliquer pour garantir un procès équitable.
B. La consécration d’un régime procédural autonome pour le mandat d’arrêt européen
En écartant l’application de la directive 2012/13/UE, la Cour confirme que la décision-cadre 2002/584/JAI constitue un régime juridique spécial et autosuffisant en ce qui concerne les droits de la personne remise. Cet instrument prévoit en effet ses propres garanties d’information, adaptées à l’objet et à la célérité de la procédure de remise. L’article 11 de la décision-cadre impose ainsi à l’autorité judiciaire d’exécution d’informer la personne arrêtée de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise. La personne doit également être informée de son droit à être assistée d’un avocat et d’un interprète. Ces droits spécifiques sont directement orientés vers la décision que la personne doit prendre quant à sa remise, et non vers sa défense sur le fond des accusations. La solution de la Cour a donc pour portée de préserver l’intégrité et l’efficacité du système du mandat d’arrêt européen, en évitant de l’alourdir par des garanties procédurales conçues pour un autre contexte. Elle réaffirme que la confiance mutuelle entre États membres justifie que l’État d’exécution se concentre sur la seule procédure de remise.
II. La validité confirmée du mandat d’arrêt européen au regard des droits fondamentaux
Après avoir clarifié le champ d’application de la directive, la Cour se penche sur la compatibilité de la décision-cadre elle-même avec la Charte des droits fondamentaux. Elle écarte le grief tiré de la violation des articles 6 et 47 de la Charte (A), réaffirmant ainsi l’équilibre recherché par le législateur de l’Union entre l’efficacité de la coopération et la protection des droits (B).
A. Le rejet du grief tiré de la violation des articles 6 et 47 de la Charte
La Cour de justice conclut que l’examen de la question préjudicielle n’a révélé « aucun élément de nature à affecter la validité de la décision-cadre 2002/584/JAI […] au regard des articles 6 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Ce faisant, elle valide l’architecture du mandat d’arrêt européen face aux critiques relatives au droit à un procès équitable et à un recours effectif. Le raisonnement sous-jacent est que la procédure de remise ne se substitue pas au procès pénal. Le contrôle opéré par l’autorité judiciaire d’exécution est limité aux conditions formelles de la remise et aux motifs de non-exécution prévus par la décision-cadre. Le droit à un recours effectif est garanti dans ce cadre restreint, c’est-à-dire contre la décision de remise elle-même. Les droits de la défense quant au bien-fondé de l’accusation pénale sont, pour leur part, intégralement préservés et devront être exercés devant les juridictions de l’État membre d’émission. La Cour considère donc que le système ne prive pas la personne de ses garanties fondamentales, mais organise leur mise en œuvre à différentes étapes procédurales et devant différentes autorités nationales, conformément au principe de confiance mutuelle.
B. La réaffirmation de l’équilibre entre efficacité de la coopération et protection des droits
La présente décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui cherche à maintenir l’équilibre entre l’objectif de l’Union de constituer un espace de liberté, de sécurité et de justice et la protection des droits fondamentaux des personnes. Le mandat d’arrêt européen est un instrument essentiel de la coopération judiciaire en matière pénale, dont l’efficacité repose sur des procédures rapides et quasi automatiques. En confirmant sa validité, la Cour préserve cet outil indispensable à la lutte contre la criminalité transfrontalière. Toutefois, cette efficacité ne saurait justifier une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux. La Cour rappelle implicitement que la confiance mutuelle n’est pas aveugle et que des limites existent, notamment en cas de risque avéré de violation des droits fondamentaux dans l’État membre d’émission. En l’absence d’un tel risque systémique, le mécanisme tel que conçu par la décision-cadre est jugé conforme à la Charte. La portée de cet arrêt est donc de consolider l’édifice de la coopération pénale européenne, en confirmant que la spécialisation des garanties procédurales selon la nature de la procédure est compatible avec les exigences fondamentales du droit de l’Union.