Cour de justice de l’Union européenne, le 28 juillet 2011, n°C-400/09

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 juillet 2011, une décision fondamentale relative au droit des marques et au reconditionnement des produits pharmaceutiques. Un litige opposait un titulaire de marques à des entreprises pratiquant l’importation parallèle de médicaments sur le territoire d’un État membre. Ces dernières avaient procédé au reconditionnement des produits en confiant la réalisation matérielle à des prestataires indépendants agissant sous leurs instructions précises. L’emballage mentionnait uniquement le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché comme auteur du reconditionnement, sans désigner l’entreprise ayant physiquement effectué l’opération.

Le Tribunal maritime et commercial de Copenhague avait retenu une atteinte aux droits de marque dans des décisions rendues en février et juin 2008. Le titulaire de la marque soutenait que l’absence du nom du reconditionneur physique sur l’emballage constituait un motif légitime d’opposition à la vente. Le Højesteret a alors interrogé la Cour de justice sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 89/104 sur les marques. La question centrale consistait à déterminer si le titulaire peut s’opposer à la commercialisation d’un produit désignant le responsable juridique plutôt que l’exécutant physique. La Cour de justice de l’Union européenne répond par la négative, estimant que les intérêts légitimes du titulaire sont préservés par le donneur d’ordre responsable. L’analyse portera sur l’identification du responsable comme garantie de la fonction de la marque, puis sur l’encadrement strict des motifs légitimes d’opposition du titulaire.

**I. L’identification du responsable du reconditionnement comme garantie de la fonction de la marque**

**A. La préservation de la fonction de garantie de provenance**

La Cour rappelle que « le nouvel emballage indique clairement l’auteur du reconditionnement » pour satisfaire aux exigences de l’épuisement du droit. La fonction essentielle de la marque assure au consommateur que le produit a été fabriqué sous le contrôle unique du titulaire du droit exclusif. Cette exigence préserve l’ « intérêt du titulaire de la marque à ce que le consommateur ne soit pas amené à croire qu’il est responsable du reconditionnement ». Cette protection est assurée dès lors que figure clairement sur l’emballage le nom de l’entreprise sous les instructions de laquelle l’opération est effectuée. Une telle mention évite l’impression erronée que le titulaire de la marque a lui-même procédé au changement de l’emballage initial du produit.

**B. La centralisation de la responsabilité juridique**

L’entreprise qui assume la pleine responsabilité des opérations liées au reconditionnement constitue l’interlocuteur légitime pour le titulaire de la marque lésé. Ce dernier peut obtenir des dommages et intérêts si l’état originaire du produit est affecté ou si la présentation nuit à sa réputation. Le responsable désigné « serait tenu de répondre pour tout dommage causé par l’entreprise qui a effectivement procédé au reconditionnement » sans pouvoir s’exonérer. Cette imputation juridique garantit l’effectivité des recours contre les éventuels abus commis par les importateurs parallèles lors de la modification des produits.

**II. L’encadrement des motifs légitimes d’opposition du titulaire**

**A. L’absence d’intérêt légitime à l’identification de l’exécutant physique**

Le titulaire n’a pas d’intérêt légitime à exiger la mention de l’entreprise ayant effectivement reconditionné le produit au motif d’une atteinte potentielle. Son intérêt dans la préservation de l’état originaire est protégé par l’exigence de démonstration que le reconditionnement n’affecte pas l’intégrité du médicament. La preuve de cette absence d’altération incombe au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché sous les instructions duquel l’opération a eu lieu. L’indication du donneur d’ordre responsable suffit à informer adéquatement le public et à protéger les prérogatives du propriétaire de la marque.

**B. La limitation du droit de marque face à l’impératif du marché intérieur**

Le droit de s’opposer au reconditionnement constitue une dérogation à la libre circulation des marchandises qui doit être interprétée de manière strictement proportionnée. L’exercice de ce droit ne peut contribuer à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres de l’Union sans une justification légitime réelle. L’exigence supplémentaire de mentionner l’exécutant matériel, alors que le responsable juridique est identifié, imposerait une contrainte inutile au commerce entre les nations. La solution retenue par la Cour de justice de l’Union européenne favorise ainsi l’intégration économique tout en maintenant un haut niveau de protection juridique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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