Cour de justice de l’Union européenne, le 28 juillet 2016, n°C-240/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 juillet 2016, une décision portant sur l’indépendance et l’impartialité des autorités réglementaires nationales. Cette affaire concerne l’assujettissement d’un organisme de régulation des communications aux dispositions nationales limitant les dépenses des administrations publiques en raison de contraintes budgétaires.

L’autorité de régulation nationale a contesté son inscription sur une liste d’administrations publiques soumises à des mesures de rationalisation des dépenses publiques globales. Cette liste imposait notamment un plafonnement de l’augmentation annuelle des dépenses et une réduction des crédits alloués à la consommation intermédiaire de l’organisme.

Le tribunal administratif régional du Latium a rejeté le recours formé par l’autorité de régulation par un jugement rendu le 12 juin 2013. L’appelant a soutenu devant le Conseil d’État d’Italie que ces contraintes organisationnelles et financières diminuaient l’efficacité de son action régulatrice sectorielle. La juridiction de second degré a décidé de surseoir à statuer pour interroger le juge européen sur la compatibilité de ces mesures de rigueur.

La question posée porte sur l’interprétation de l’exigence d’indépendance financière des autorités de régulation face au pouvoir d’encadrement budgétaire exercé par l’État membre. Le juge national souhaite savoir si le droit de l’Union empêche l’application de dispositions générales de finances publiques à un organisme bénéficiant d’un autofinancement partiel.

La Cour de justice juge que le droit européen ne s’oppose pas à une réglementation nationale soumettant l’autorité de régulation aux dispositions applicables aux finances publiques. Cette solution demeure valable tant que les restrictions budgétaires n’empêchent pas l’organisme d’accomplir les missions de régulation qui lui sont spécifiquement assignées. L’étude de cette décision permet d’analyser l’affirmation d’une indépendance fonctionnelle encadrée puis l’encadrement du principe d’autofinancement par les impératifs budgétaires.

I. L’affirmation d’une indépendance fonctionnelle encadrée par le cadre constitutionnel

A. La garantie des ressources nécessaires à l’exercice des missions de régulation

La Cour rappelle que les États doivent veiller à ce que les autorités de régulation « disposent des ressources financières et humaines nécessaires pour accomplir les tâches ». Cette exigence textuelle vise à renforcer l’autorité des décisions prises et à assurer une application efficace du cadre réglementaire des communications électroniques. L’indépendance garantie par la directive-cadre impose ainsi que l’organisme soit en possession de moyens budgétaires suffisants pour recruter du personnel qualifié.

Toutefois, le juge européen précise que le respect de ces conditions financières « n’empêche pas une surveillance conformément aux dispositions nationales de droit constitutionnel ». La protection contre les interventions extérieures n’implique pas une autonomie institutionnelle absolue de l’autorité de régulation vis-à-vis des règles comptables de l’État. Les missions de régulation du marché doivent être exercées de manière impartiale sans pour autant échapper totalement au contrôle financier exercé par le parlement.

B. La licéité d’un encadrement budgétaire générique et non discriminatoire

Les mesures de limitation des dépenses contestées présentent un caractère générique car elles s’appliquent à l’ensemble des administrations et des organismes publics nationaux. Le juge souligne que ces dispositions nationales se limitent souvent à plafonner l’augmentation des dépenses ou à réduire certains frais de consommation intermédiaire. Une telle réglementation laisse à l’autorité de régulation une marge de manœuvre appréciable pour organiser son propre fonctionnement interne malgré les restrictions.

L’indépendance de l’autorité n’est menacée que s’il est démontré que les coupes budgétaires empêchent concrètement l’exercice des fonctions de régulation du marché. La Cour note qu’une atteinte à l’autonomie financière ne saurait être présumée par la simple application des règles de comptabilité publique à l’organisme. L’assujettissement aux objectifs de finances publiques de l’Union constitue un cadre légitime de surveillance qui s’impose à toutes les entités administratives publiques.

II. L’encadrement du principe d’autofinancement par les impératifs des finances publiques

A. La soumission légitime aux règles de limitation des dépenses publiques

L’autorité de régulation ne peut prétendre bénéficier d’un régime d’indépendance identique à celui accordé par le droit de l’Union aux banques centrales nationales. Le juge européen écarte cette analogie en raison des fonctions fondamentalement différentes exercées par ces deux types d’institutions au sein de l’État. L’inscription de l’autorité sur la liste des administrations relevant du compte de résultat consolidé répond à des impératifs économiques et sociaux globaux.

Les dispositions nationales visant la rationalisation des dépenses publiques peuvent donc s’appliquer à une autorité disposant par ailleurs d’un budget annuel distinct. Ce budget doit rester public conformément aux exigences de transparence mais il n’échappe pas aux mesures de réduction des frais de fonctionnement collectif. La souveraineté financière de l’État lui permet d’encadrer les dépenses de toutes les structures participant au secteur public élargi sans distinction arbitraire.

B. L’absence de droit absolu à la fixation discrétionnaire des taxes administratives

L’article 12 de la directive autorisation permet la perception de taxes administratives pour couvrir les coûts réels liés à la gestion du système d’octroi. Cette faculté ne confère cependant pas à l’autorité réglementaire nationale « un droit absolu de fixer le montant de ces taxes sans avoir égard aux dispositions nationales ». Les prélèvements opérés sur les entreprises du secteur présentent un caractère fiscal et relèvent du pouvoir d’imposition général appartenant aux autorités étatiques.

La fixation du montant des contributions par l’autorité de régulation doit impérativement respecter les limites budgétaires fixées par le législateur national pour les administrations publiques. Le juge conclut que le principe d’autofinancement ne dispense pas l’organisme de contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques imposé par l’État. Cette solution préserve la capacité régulatrice de l’autorité tout en garantissant la cohérence de la politique budgétaire et financière menée au niveau national.

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Hassan KOHEN
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