La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 28 juin 2017, précise les contours de la notion d’autorisation de mise sur le marché globale. Une société pharmaceutique avait obtenu une première autorisation pour une substance active destinée à des indications oncologiques sous un nom commercial déterminé. Quelques années plus tard, cette même société obtenait une nouvelle autorisation distincte pour la même substance mais pour des indications non oncologiques et un dosage différent. Suite à l’expiration de la période de protection du premier médicament, des entreprises ont sollicité des autorisations pour des versions génériques du second produit. L’institution européenne a accueilli ces demandes en considérant que le second médicament était inclus dans l’autorisation globale du premier produit. La société de recherche a alors formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne pour obtenir l’annulation de ces décisions d’exécution. Le Tribunal de l’Union européenne ayant rejeté ses prétentions par deux arrêts du 15 septembre 2015 dans les affaires T-472/12 et T-67/13, la requérante s’est pourvue devant la Cour de justice. Elle soutient que l’obtention d’une autorisation distincte sous un nom différent devrait ouvrir une nouvelle période de protection des données indépendante de la première. La question posée est de savoir si le développement d’un médicament déjà autorisé constitue une autorisation globale unique malgré l’octroi d’un titre de mise sur le marché séparé. La Cour confirme que tout nouveau dosage ou toute indication supplémentaire s’intègre dans l’autorisation initiale, interdisant ainsi toute prolongation de la protection réglementaire des données.
I. La consécration d’une conception fonctionnelle de l’autorisation globale
A. L’indifférence de la forme procédurale de l’autorisation La Cour souligne que l’article 6 de la directive 2001/83 ne distingue pas selon la modalité technique choisie pour autoriser les développements d’un médicament. Les juges affirment que « la notion d’autorisation globale englobe tous les développements ultérieurs du médicament initial, quelles que soient leurs procédures d’autorisation ». Cette approche privilégie la réalité matérielle de la substance active sur la dénomination commerciale ou le numéro d’enregistrement au répertoire communautaire des médicaments. Le choix d’un nom distinct pour des raisons de stratégie commerciale ne saurait donc influencer le calcul de la durée de protection légale. La juridiction écarte ainsi une lecture littérale qui aurait permis aux laboratoires de contourner les limites temporelles par de simples changements de désignation.
B. Le rattachement des développements thérapeutiques au produit initial Les nouvelles indications thérapeutiques et les modifications de dosage sont considérées comme des extensions logiques de la première autorisation de mise sur le marché. L’arrêt rappelle que l’autorisation globale ne s’accompagne que d’une seule période de protection réglementaire débutant lors de la délivrance du titre initial. « L’octroi de l’autorisation de mise sur le marché pour de tels développements ne donne pas lieu à une période de protection réglementaire des données indépendante ». Cette solution s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle constante visant à traiter le cycle de vie d’une molécule comme un ensemble juridique indivisible. La substance active demeure le pivot central autour duquel s’agrègent les évolutions techniques ultérieures sans générer de nouveaux droits d’exclusivité.
II. La préservation de l’équilibre entre innovation et accès aux génériques
A. La limitation temporelle de l’exclusivité commerciale La position de la Cour prévient le risque d’une prolongation indéfinie du monopole sur une substance donnée par le biais de développements successifs mineurs. Si chaque nouvelle indication permettait d’ouvrir un nouveau délai de protection, les entreprises pourraient retarder systématiquement l’entrée des médicaments génériques sur le marché. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique de récompense pour les innovations importantes en accordant une année supplémentaire de protection commerciale. « Cette augmentation d’une année constitue l’avantage approprié pour récompenser les investissements dans de nouvelles indications thérapeutiques » apportant un bénéfice clinique majeur. Cette précision souligne que le régime dérogatoire de l’article 10 de la directive est exhaustif quant aux avantages accordés aux inventeurs.
B. La confirmation d’un régime de protection unifié La portée de cette décision réside dans l’affirmation d’un principe de sécurité juridique pour les fabricants de médicaments génériques et les autorités sanitaires. En refusant de faire primer la forme sur le fond, la Cour garantit que la protection des données ne serve pas d’instrument de segmentation artificielle du marché. Le commentaire de la décision révèle une volonté de concilier la protection de la recherche avec l’impératif d’éviter la répétition d’essais cliniques inutiles. L’arrêt confirme que la notion d’autorisation globale est un outil de régulation économique destiné à faciliter la transition vers le domaine public des connaissances pharmaceutiques. Cette interprétation ferme consolide le cadre juridique de l’Union européenne en assurant une prévisibilité indispensable pour tous les acteurs de l’industrie du médicament.