La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 mars 2019, une décision relative à l’interprétation des motifs d’exclusion facultative des soumissionnaires. La question portait spécifiquement sur la possibilité d’écarter un opérateur ayant introduit une demande de concordat préventif sans présentation immédiate d’un plan de continuation.
Un groupement d’entreprises s’est vu attribuer provisoirement un marché de services portant sur la direction de travaux avant qu’une société membre ne sollicite un concordat. L’entité adjudicatrice a prononcé l’exclusion du groupement, décision confirmée le 29 avril 2015 par le Tribunal administratif régional de Campanie situé en Italie. Saisi en appel, le Conseil d’État italien a décidé de surseoir à statuer par un arrêt rendu le 11 janvier 2018 pour interroger la juridiction européenne.
Le juge national souhaitait savoir si le simple dépôt d’une requête de concordat constituait le début d’une procédure en cours justifiant l’éviction d’un candidat. La Cour répond que l’article 45 de la directive 2004/18 ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant d’exclure un opérateur dans cette situation précise. L’étude de cette solution conduit à examiner la qualification du déclenchement de la procédure collective puis la marge d’appréciation reconnue aux autorités étatiques.
I. La qualification juridique du dépôt de la requête de concordat
A. L’identification du point de départ de la procédure collective
La Cour souligne que le dépôt de la requête produit des effets immédiats sur les droits et obligations du requérant ainsi que sur les créanciers. Ce constat implique que cet acte doit être considéré « comme le point de départ de la procédure de concordat préventif » visée par le droit européen. L’ouverture de la procédure ne dépend donc pas d’une décision judiciaire ultérieure constatant formellement l’insolvabilité de l’entreprise candidate au marché public.
B. La présomption de fragilité économique découlant de l’initiative du débiteur
Cette définition temporelle de la procédure repose également sur l’analyse de la situation financière réelle dans laquelle se trouve le candidat évincé. L’introduction d’une telle demande constitue un aveu par lequel l’opérateur reconnaît traverser des difficultés financières susceptibles de « remettre en cause sa fiabilité économique ». La mesure d’exclusion facultative vise précisément à garantir au pouvoir adjudicateur qu’il contractera avec une entité présentant des garanties de solvabilité suffisantes.
II. La validation de la discrétion nationale dans la mise en œuvre de l’exclusion
La reconnaissance de cet état de difficulté financière permet d’analyser la validité des choix opérés par le législateur national pour protéger l’administration.
A. La souplesse accordée aux États dans l’application des critères de la directive
Les États membres disposent de la faculté d’intégrer les causes d’exclusion avec un « degré de rigueur qui pourrait être variable selon les cas ». Cette marge de manœuvre permet aux autorités nationales d’alléger ou de rendre plus souples les critères de sélection selon des considérations économiques ou sociales. Le droit de l’Union autorise ainsi les législateurs à déterminer souverainement les conditions dans lesquelles une cause d’exclusion facultative ne s’applique pas.
B. La justification d’une distinction fondée sur la continuité de l’activité économique
Cette autonomie réglementaire trouve sa traduction concrète dans l’appréciation différenciée de la fiabilité des opérateurs selon la nature du plan de concordat présenté. La situation d’un opérateur ne s’engageant pas à poursuivre son activité n’est pas comparable à celle d’un candidat garantissant le maintien de son exploitation. Le principe d’égalité de traitement n’interdit donc pas à une réglementation nationale de traiter différemment ces deux catégories de soumissionnaires lors d’un appel d’offres.