Cour de justice de l’Union européenne, le 28 mars 2019, n°C-275/18

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt le 28 mars 2019 relatif à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée. Un particulier a expédié mensuellement des centaines d’objets de collection vers des États tiers par voie postale sans souscrire de déclaration de taxe. La direction d’appel des finances a confirmé les avis d’imposition le 27 août 2015 car les biens n’étaient pas placés sous régime douanier d’exportation. La cour régionale de Hradec Králové a rejeté le recours de l’assujetti en considérant que l’exigence nationale de placement sous régime douanier était proportionnée. La Cour administrative suprême de la République tchèque a demandé si le droit européen permet de limiter l’exonération par une condition formelle de procédure. L’enjeu juridique consiste à déterminer si une formalité administrative peut primer sur la réalité matérielle d’une opération d’exportation physiquement réalisée vers un pays tiers. Les juges considèrent que les États ne peuvent restreindre l’exonération par des exigences formelles lorsque les conditions de fond sont remplies et dûment établies. Il convient d’analyser la primauté des critères objectifs de l’exportation avant d’examiner l’encadrement du pouvoir réglementaire des États par le principe de proportionnalité.

**I. La primauté des conditions de fond sur les exigences formelles**

**A. Le caractère objectif de l’opération d’exportation**

    L’article 146 de la directive 2006/112 dispose que les livraisons de biens expédiés en dehors de l’Union européenne bénéficient d’une exonération de taxe. Cette mesure garantit que l’imposition des produits exportés intervient exclusivement au lieu de consommation finale des marchandises selon le principe de destination fiscale. La juridiction précise que l’exportation est réalisée lorsque « le bien a physiquement quitté le territoire de l’Union » après transfert du pouvoir de disposer. La qualification d’une telle opération dépend donc de critères matériels objectifs et non de l’accomplissement de démarches administratives préalables au sein d’un État membre.

**B. L’impossibilité de subordonner l’exonération à une procédure douanière**

    Le texte de la directive ne mentionne aucune obligation de placement des biens sous le régime douanier de l’exportation pour accorder le bénéfice fiscal. La Cour souligne que l’exonération ne saurait être refusée au seul motif que l’assujetti a omis de respecter cette formalité administrative lors de l’expédition. Cette solution rappelle que la substance de l’opération économique prime sur les modalités déclaratives pour déterminer le régime de taxation applicable à une livraison. L’affirmation de ce droit à l’exonération impose toutefois de définir les limites du pouvoir de contrôle dont disposent les autorités fiscales nationales.

**II. L’encadrement du pouvoir des États membres par le principe de proportionnalité**

**A. Le respect de la neutralité fiscale face aux obligations déclaratives**

    L’article 131 autorise les États membres à fixer des conditions pour assurer l’application correcte des exonérations et prévenir les éventuels risques de fraude fiscale. Cependant, une mesure nationale va au-delà du nécessaire si elle ignore les caractéristiques objectives de l’opération pour sanctionner le non-respect d’une obligation formelle. Conditionner le droit fiscal à une procédure douanière spécifique sans examiner si les exigences de fond sont satisfaites « ne respecte pas le principe de proportionnalité ». La neutralité fiscale s’oppose à ce que des manquements administratifs privent définitivement un opérateur économique de l’exonération légitime dont il remplit les critères.

**B. Les exceptions limitatives fondées sur la fraude ou l’absence de preuve**

    Le refus de l’exonération demeure envisageable si la violation d’une exigence formelle empêche d’apporter la « preuve certaine » de la sortie effective des marchandises. L’administration peut également écarter le bénéfice fiscal si l’assujetti a « intentionnellement participé à une fraude fiscale » mettant en péril le système commun de taxe. En l’espèce, les documents postaux permettaient de démontrer la réalité de l’exportation malgré l’absence de déclaration déposée auprès du bureau des douanes compétent. L’arrêt confirme ainsi que la primauté du fond ne cède que devant la mauvaise foi de l’opérateur ou l’impossibilité manifeste de contrôler l’opération.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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