Par un arrêt du 28 mars 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les contours de la notion de ressources d’État. Cette décision porte sur la qualification juridique d’un mécanisme national de soutien à l’électricité produite à partir de sources renouvelables. La puissance publique avait instauré un prélèvement financier géré par des gestionnaires de réseau afin de compenser les surcoûts des producteurs d’énergie verte. La Commission européenne a considéré ce dispositif comme une aide d’État illégale, décision confirmée en première instance par le Tribunal de l’Union européenne le 10 mai 2016. Saisie d’un pourvoi par l’État membre, la Cour devait déterminer si des fonds collectés par des entités privées constituaient des ressources étatiques. Les juges concluent que l’absence de pouvoir de disposition de l’État sur ces sommes fait obstacle à la qualification d’aide d’État.
I. La rigueur du critère du contrôle public sur les fonds perçus
A. L’insuffisante influence dominante de la puissance publique
La Cour rappelle que les avantages doivent être accordés au moyen de ressources d’État pour être qualifiés d’aides au sens du droit de l’Union. Le Tribunal de l’Union européenne avait estimé que les fonds gérés par les gestionnaires de réseau demeuraient sous « l’influence dominante des pouvoirs publics ». Toutefois, les juges de Luxembourg considèrent que cette influence ne suffit pas à caractériser un pouvoir de disposition effectif de l’autorité publique. La décision souligne que le principe d’affectation exclusive des fonds tend plutôt à démontrer que « l’État n’était précisément pas en mesure de disposer de ces fonds ».
Le contrôle exercé par les autorités nationales sur la bonne exécution de la loi ne permet pas de conclure à la maîtrise des ressources. Les gestionnaires de réseau n’agissent pas comme des mandataires de l’administration mais comme des entités privées respectant une obligation légale de gestion comptable. La juridiction suprême relève que les fonds ne sont à aucun moment mis à la disposition du Trésor public pour d’autres finalités. Cette indépendance structurelle des flux financiers exclut la qualification de ressources d’État malgré l’origine législative du dispositif de soutien énergétique.
B. L’absence de lien direct avec le budget de l’entité publique
L’arrêt du 28 mars 2019 insiste sur la nécessité de vérifier si l’avantage accordé grève réellement ou potentiellement le budget de la puissance publique. La Cour observe qu’il n’existe pas de lien suffisamment direct entre le mécanisme de compensation et une diminution des recettes de l’État. Contrairement à d’autres dispositifs validés par le passé, la législation examinée n’instaurait aucun principe de couverture intégrale des surcoûts par les finances publiques. Les risques économiques liés au financement de l’électricité verte reposent exclusivement sur les fournisseurs et les consommateurs finaux au sein d’une économie privée.
La simple circonstance que le mécanisme procède d’une politique publique fixée par la loi ne permet pas d’engager la responsabilité financière de l’État. Les sommes collectées auprès des clients finaux ne transitent pas par une personne morale de droit public mandatée pour assurer une gestion administrative centrale. L’absence de garantie étatique en cas d’insuffisance des contributions collectées confirme que les ressources demeurent privées tout au long du processus de redistribution. Cette solution renforce la distinction entre l’imputabilité de la mesure à l’État et l’origine étatique des fonds nécessaires à son financement.
II. Une clarification nécessaire de la portée de la notion de taxe
A. La distinction entre l’origine législative et la nature fiscale du prélèvement
Le Tribunal de l’Union européenne avait qualifié le prélèvement de charge unilatéralement imposée par l’État assimilable, du point de vue de ses effets, à une taxe. La Cour de justice censure ce raisonnement en soulignant qu’une analogie ne saurait suffire pour établir l’existence d’une ressource publique financière. Elle relève que la loi nationale n’obligeait pas formellement les fournisseurs à répercuter le coût du prélèvement sur le prix payé par les consommateurs. Le fait que cette répercussion soit pratiquée en fait ne transforme pas une créance de droit privé en une véritable charge fiscale.
La nature obligatoire d’une contribution imposée par la loi ne suffit pas à lui conférer le statut de ressource d’État au sens juridique. Les sommes perçues sont intégrées au patrimoine général des entreprises privées sans que les instances étatiques puissent exercer une influence sur leur utilisation. La Cour précise que les fonds générés par le prélèvement ne peuvent être assimilés à une taxe si l’État ne dispose d’aucun pouvoir d’affectation. Cette approche limite les risques d’une extension excessive de la notion d’aide d’État aux régimes de financement purement privés organisés par le législateur.
B. Le retour à une interprétation stricte de la notion de charge publique
La décision de la Cour de justice du 28 mars 2019 marque une volonté de stabiliser la jurisprudence relative aux interventions économiques indirectes. En annulant la décision de la Commission européenne, les juges protègent la capacité des États membres à organiser des mécanismes de solidarité financière décentralisés. La preuve de l’existence d’une ressource d’État exige désormais la démonstration d’un contrôle public constant et d’une mise à disposition effective des fonds. Cette exigence probatoire accrue évite que toute réglementation des prix ou des flux financiers entre acteurs privés ne soit qualifiée d’aide d’État.
L’arrêt confirme que les mécanismes de soutien à la transition énergétique peuvent échapper aux règles strictes des aides d’État s’ils sont financés exclusivement par le marché. La reconnaissance de la nature privée des fonds gérés par les opérateurs de réseau assure une sécurité juridique indispensable aux investissements dans les énergies renouvelables. Les autorités nationales conservent ainsi une marge de manœuvre pour orienter les comportements économiques sans solliciter directement les capacités de financement du budget public. Cette interprétation rigoureuse de l’article 107 du Traité garantit le respect de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres.