La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 28 mars 2019, a statué sur le manquement d’un État aux obligations environnementales. Cette affaire portait principalement sur l’absence de systèmes de collecte et de traitement adéquats des eaux urbaines résiduaires au sein de plusieurs agglomérations. L’institution requérante reprochait à l’État membre défendeur de ne pas avoir respecté les prescriptions de la directive relative au traitement des eaux usées urbaines. La phase précontentieuse a débuté par une mise en demeure en 2013, suivie d’un avis motivé en 2016, sans régularisation suffisante constatée. L’État membre invoquait des circonstances exceptionnelles liées à une crise économique profonde ainsi que des limites techniques pour justifier ces retards persistants. La question juridique posée aux juges consistait à déterminer si des difficultés financières ou des contraintes techniques pouvaient légitiment écarter les obligations de résultat. La Cour a conclu au manquement quasi intégral de l’État membre, rejetant les arguments fondés sur la disproportion des coûts ou les crises systémiques.
I. L’objectivation des critères de conformité technique et économique
A. La rigueur de l’obligation de collecte et de traitement secondaire
L’article 3 de la directive impose aux États membres une obligation de veiller à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte. La Cour rappelle ici que cette exigence doit être remplie de manière inconditionnelle dans les délais impartis pour garantir la protection de l’environnement global. Elle souligne « qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes permettant de traiter toutes les eaux usées dans des situations de précipitations exceptionnellement fortes ». Toutefois, cette tolérance reste limitée aux événements météorologiques réellement inhabituels et ne saurait devenir une règle ordinaire pour les infrastructures de collecte défaillantes. Les juges considèrent que l’absence de collecte totale entraîne nécessairement une impossibilité de garantir l’efficacité du traitement secondaire prescrit par l’article 4 du texte.
B. L’encadrement strict des justifications techniques et financières
L’État membre tentait de se prévaloir de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs » pour s’exonérer. La Cour rejette fermement cette argumentation en constatant que la partie défenderesse s’était déjà engagée dans un vaste programme de travaux de modernisation. Cet engagement prouve que des solutions technologiques existent pour pallier le problème des déversements excessifs sans constituer une charge financière jugée alors insupportable. Les juges affirment qu’un État « ne saurait exciper de difficultés pratiques ou administratives pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive ». La décision précise également que les difficultés financières structurelles appartiennent aux risques internes que chaque nation doit surmonter par des mesures budgétaires appropriées.
II. La consolidation de l’impératif de protection des milieux sensibles
A. Le renforcement des exigences pour les rejets en zones vulnérables
Le litige concernait également l’article 5 de la directive qui prévoit un traitement plus rigoureux pour les eaux rejetées dans des zones identifiées comme sensibles. La Cour estime que si le système de collecte est défaillant, le traitement plus rigoureux de ces eaux ne peut être garanti juridiquement. Elle refuse de prendre en compte les données scientifiques récentes produites après l’expiration du délai fixé par l’avis motivé pour déclasser certaines zones. Les juges soulignent que « l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai ». Cette approche garantit la sécurité juridique et empêche les autorités nationales de retarder indéfiniment l’application des normes sanitaires par des révisions techniques tardives.
B. L’inflexibilité de la Cour face aux justifications financières nationales
La juridiction européenne réaffirme la primauté des objectifs de santé publique et de préservation de l’environnement sur les contingences économiques temporaires des États. Elle valide l’obligation de soumettre chaque rejet provenant de stations d’épuration à des réglementations préalables ou à des autorisations spécifiques conformément à l’article 12. L’absence d’autorisation valide au terme du délai imparti constitue un manquement formel qui ne peut être couvert par la simple planification de travaux futurs. La Cour maintient ainsi une jurisprudence constante privilégiant l’effet utile du droit de l’Union contre les arguments de flexibilité budgétaire invoqués par les gouvernements. Ce refus de la balance économique protège l’intégrité des écosystèmes aquatiques contre les arbitrages politiques locaux susceptibles de compromettre la qualité des eaux réceptrices.