La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 novembre 2013, une décision relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité. Ce litige porte sur l’interprétation de la directive 80/987 concernant le paiement des créances salariales impayées par les institutions de garantie nationales compétentes.
Plusieurs salariés ont résilié leurs contrats de travail en septembre 2003 après avoir constaté le non-paiement de leurs rémunérations depuis le mois d’avril précédent. Une action devant le tribunal du travail de Barcelos fut engagée en février 2004 afin d’obtenir la fixation du montant des créances salariales.
L’insolvabilité de l’employeur n’a toutefois été constatée par le tribunal de commerce de Vila Nova de Gaia qu’en novembre de l’année 2005. L’institution de garantie a rejeté les demandes de paiement car les créances étaient échues plus de six mois avant l’introduction de ce recours.
Le tribunal administratif et fiscal de Porto a rejeté le recours des travailleurs, entraînant la saisine du tribunal central administratif du Nord en second ressort. Cette juridiction a interrogé la Cour sur la conformité d’une règle nationale excluant les créances trop anciennes malgré l’existence d’une action judiciaire.
La juridiction européenne estime que la directive ne s’oppose pas à une réglementation nationale limitant la garantie aux créances échues durant les six mois précédant l’insolvabilité. L’analyse portera sur la validité de la délimitation temporelle nationale avant d’aborder la préservation nécessaire de l’équilibre financier du système de garantie.
I. La conformité de la délimitation temporelle nationale aux exigences de protection minimale
A. L’exercice licite de la faculté de limitation par l’État membre
L’article 4 de la directive modifiée dispose explicitement que « les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie ». Cette prérogative permet aux autorités nationales de fixer librement la durée de la période donnant lieu au paiement des créances salariales impayées.
Le législateur national a choisi de garantir les créances échues dans les six mois précédant l’introduction du recours visant la constatation judiciaire de l’insolvabilité. Cette mesure respecte le socle minimal imposé par le droit de l’Union, dès lors qu’elle assure le paiement des trois derniers mois de rémunération.
La Cour souligne que le système établi par la directive « prend en compte la capacité financière de ces États » tout en garantissant une protection sociale. Ainsi, la fixation d’un délai de référence de six mois constitue une mise en œuvre régulière de la marge d’appréciation laissée aux législateurs.
B. La caractérisation de l’absence de lien entre l’insolvabilité et les créances
Le régime de garantie repose sur l’existence d’un lien juridique direct entre l’état d’insolvabilité de l’employeur et les rémunérations restées effectivement impayées. La Cour rappelle que « le système établi par cette directive suppose un lien entre l’insolvabilité et les créances salariales impayées » des travailleurs concernés.
Dans l’espèce commentée, le défaut de paiement datait de 2003 tandis que l’insolvabilité n’a été judiciairement constatée qu’en novembre de l’année 2005. Cette déconnexion temporelle fragilise la demande des salariés puisque l’activité de l’entreprise s’est poursuivie avec d’autres collaborateurs pendant deux années supplémentaires après leur départ.
L’institution de garantie ne saurait être tenue de couvrir des créances nées trop longuement avant la défaillance globale et définitive de la structure employeuse. Cette interprétation stricte évite que le fonds de garantie ne se substitue de manière illimitée à la responsabilité contractuelle de l’employeur défaillant.
II. Une interprétation rigoureuse préservant l’équilibre financier des institutions de garantie
A. La consécration d’une protection sociale subsidiaire et limitée
La jurisprudence européenne rappelle constamment que la directive 80/987 vise uniquement à assurer un « minimum de protection au niveau de l’Union européenne » aux salariés. Ce caractère minimaliste justifie que les États puissent restreindre l’étendue de leur obligation de paiement pour sauvegarder l’équilibre budgétaire de leurs fonds.
Bien que les dérogations doivent faire l’objet d’une interprétation étroite, celle-ci ne doit pas « vider de sa substance la faculté explicitement réservée aux États ». La Cour refuse donc d’étendre la garantie au-delà des limites temporelles fixées par le droit national, même pour des raisons d’équité manifeste.
Le maintien de cet équilibre financier est essentiel pour garantir la pérennité du système de protection sociale au bénéfice de l’ensemble des travailleurs salariés. Une extension démesurée de la couverture risquerait de compromettre la viabilité des institutions de garantie face à la multiplication des défaillances économiques.
B. La validation des critères de computation du délai de référence
L’introduction d’une action en justice préalable par les travailleurs ne modifie pas le point de départ du délai de référence fixé par la loi. La Cour juge que le droit de l’Union n’impose pas de neutraliser la période de six mois au profit des salariés diligents.
Le choix de la date du recours en insolvabilité comme pivot temporel assure une sécurité juridique indispensable tant pour les institutions que pour les cotisants. Admettre une exception pour les actions judiciaires antérieures reviendrait à créer une incertitude sur la portée des obligations financières incombant à l’organisme national.
L’arrêt confirme donc la pleine validité d’une computation stricte du délai, laquelle demeure conforme aux objectifs sociaux tout en respectant les contraintes budgétaires. Les travailleurs doivent ainsi agir promptement pour déclencher la procédure d’insolvabilité afin de préserver l’intégralité de leurs droits au titre de la garantie.