La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 28 octobre 2020, précise le champ d’application de la directive relative aux secteurs spéciaux. Ce litige naît de la contestation d’un avis d’appel d’offres portant sur des prestations de conciergerie et de surveillance pour les bureaux d’un prestataire postal.
Une entité adjudicatrice, qualifiée d’entreprise publique, a lancé une procédure ouverte pour l’attribution de services d’accueil et de sécurité dans ses locaux administratifs et commerciaux. Plusieurs prestataires ont contesté la légalité de cet avis devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio, en invoquant des manquements au code national des marchés publics.
L’entité défenderesse a soulevé l’incompétence de la juridiction administrative en soutenant que ces prestations ne relevaient pas des secteurs spéciaux visés par le droit de l’Union. Elle affirmait que ces services de gardiennage ne constituaient pas des activités de levée, de tri ou de distribution d’envois postaux proprement dites.
Face à cette opposition, le juge italien a sollicité une décision préjudicielle afin de déterminer si les obligations de mise en concurrence s’appliquaient à de tels marchés accessoires. La question centrale consistait à savoir si la fourniture de services de conciergerie et d’accueil au profit d’un opérateur postal entre dans le champ d’application de la directive.
La Cour répond positivement en affirmant que l’article 13 de la directive s’applique dès lors que ces activités présentent un lien suffisant avec le secteur postal. Les juges soulignent que ces prestations servent effectivement à l’exercice de l’activité principale en permettant sa réalisation adéquate selon des conditions normales.
I. La consécration d’une interprétation large des activités postales
A. L’assimilation des services accessoires aux missions sectorielles
La juridiction de l’Union rappelle que le champ d’application de la directive 2014/25 ne saurait être interprété de manière restrictive par rapport aux législations antérieures. L’article 13 de ce texte inclut expressément les « activités liées à la fourniture de services postaux » sans limiter son empire aux seules prestations de distribution.
Le juge européen souligne que cette formulation englobe les marchés qui, bien que de nature différente, « servaient à l’exercice des activités définies » par la réglementation sectorielle. Cette lecture extensive permet de soumettre aux procédures de passation des marchés publics l’ensemble des contrats nécessaires au fonctionnement régulier de l’opérateur.
B. Le critère de l’exercice adéquat du service postal
L’arrêt précise que le lien entre le marché et le secteur postal doit permettre la réalisation de l’activité « eu égard à ses conditions normales d’exercice ». Les services de conciergerie et de surveillance des portiques sont jugés indispensables pour assurer la sécurité et l’accueil au sein des bureaux postaux.
La Cour considère qu’il est difficilement envisageable de fournir des services postaux de manière appropriée sans ces prestations de soutien logistique et sécuritaire. Ce constat s’applique tant aux locaux recevant du public qu’aux bâtiments administratifs puisque la fourniture de services postaux « inclut également la gestion et la planification ».
II. L’encadrement des conditions d’application de la directive sectorielle
A. Le rejet d’un lien purement financier ou de rentabilité
Les juges précisent que le lien entre le marché contesté et le secteur d’activité considéré ne saurait être de n’importe quelle nature. Il ne suffit pas que les services acquis « accroissent la rentabilité » de l’entité adjudicatrice pour justifier l’application automatique des règles de passation sectorielles.
Cette distinction fondamentale exclut les activités exercées à des fins totalement étrangères à la poursuite des missions de service postal définies par la directive. La Cour refuse ainsi une extension sans limites du droit des marchés publics qui reposerait uniquement sur un bénéfice économique indirect pour l’entreprise publique.
B. La détermination de la destination principale du marché
L’arrêt examine enfin la situation des marchés destinés à couvrir simultanément plusieurs activités dont certaines sont extérieures au champ d’application de la directive. L’article 6 prévoit que le marché unique suit les règles de l’activité à laquelle il est « principalement destiné » pour garantir la transparence.
Le juge national doit vérifier si les prestations de surveillance profitent majoritairement au service postal ou à d’autres activités concurrentielles comme l’assurance ou la téléphonie. Sous réserve de cette vérification, l’application du régime des secteurs spéciaux demeure la règle dès lors que le lien fonctionnel avec le service universel est établi.