Cour de justice de l’Union européenne, le 28 octobre 2021, n°C-915/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 28 octobre 2021, a précisé le régime de notification des modifications apportées aux aides d’État. Cette décision concerne un décret modifiant rétroactivement les critères d’attribution de quotas de biodiesel bénéficiant d’un traitement fiscal privilégié en Italie. Le litige opposait des entreprises productrices aux autorités ministérielles suite à la redéfinition des coefficients de pondération entre l’historique de production et la capacité productive. Saisie par le Consiglio di Stato (Rome) par décisions du 28 novembre 2019, la Cour devait déterminer si cette mesure constituait une aide nouvelle. L’enjeu juridique portait sur l’interprétation des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne face à une modification rétroactive. Le juge européen a estimé qu’une telle modification ne requiert pas de notification si elle n’affecte pas les éléments constitutifs du régime autorisé.

**I. La qualification restrictive de la modification d’un régime d’aides existant**

**A. L’ajustement technique des critères de répartition des avantages fiscaux**

Le litige trouve sa source dans l’annulation, par la juridiction administrative, de dispositions fixant les critères d’attribution des quotas de biodiesel exonérés d’accise. Un décret ministériel ultérieur a modifié rétroactivement la pondération entre l’historique de production des entreprises et leur capacité productive réelle pour les exercices passés. Cette modification visait à rétablir un équilibre entre les producteurs historiques et les nouveaux opérateurs entrant sur le marché national des énergies renouvelables. La Cour relève que les nouveaux coefficients de pondération ont été fixés à hauteur de cinquante pour cent pour chacun des deux paramètres retenus.

**B. Le critère déterminant de l’influence sur l’évaluation de la compatibilité**

Le règlement n° 794/2004 définit la modification d’une aide comme tout changement n’étant pas de nature purement formelle ou administrative. La jurisprudence précise qu’une modification n’est pas formelle « lorsqu’elle est susceptible d’influer sur l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur ». Il convient donc d’examiner si le changement de répartition altère les motifs ayant conduit la Commission à autoriser initialement le dispositif fiscal. La Cour impose une analyse rigoureuse portant sur la nature et la portée de la modification au regard des décisions d’approbation antérieures.

**II. La préservation de l’autorisation initiale malgré l’évolution des modalités d’octroi**

**A. Le maintien des éléments substantiels définissant l’économie du dispositif**

La décision souligne que le cercle des bénéficiaires, le budget global et la durée du programme d’aides n’ont subi aucune altération notable. La définition du produit et le taux de l’accise privilégiée demeurent identiques, préservant ainsi l’objectif environnemental de réduction des coûts de production. Le juge estime que la modification des quotas individuels n’affecte pas le risque de surcompensation, élément central de l’examen de compatibilité du régime. La Cour considère que « la modification concernée n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation effectuée par la Commission » lors de l’autorisation initiale.

**B. La validation d’une gestion rétroactive conforme aux impératifs de sécurité juridique**

Cette interprétation permet d’éviter une surcharge procédurale pour les États membres lorsque la substance même de l’avantage fiscal demeure inchangée. La Cour rappelle que la Commission examine les caractéristiques générales d’un régime d’aides sans être tenue d’analyser chaque cas d’application individuelle. La solution retenue confirme que seules les modifications touchant aux éléments essentiels du régime déclenchent l’obligation de notification prévue à l’article 108. Cet arrêt renforce la sécurité juridique des autorités agissant pour l’exécution de décisions de justice nationales sans dénaturer les aides préexistantes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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