Cour de justice de l’Union européenne, le 28 septembre 2023, n°C-123/21

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 mai 2023, une décision relative à la validité d’un règlement instituant des droits antidumping. Cette affaire concerne les importations d’acide tartrique originaire de Chine. Une société exportatrice contestait le calcul de la valeur normale de ses produits par les services compétents.

Le Tribunal de l’Union européenne avait précédemment rejeté le recours en annulation formé contre l’acte litigieux le 16 décembre 2020. La requérante soutenait notamment que la méthode du pays analogue violait les engagements souscrits par l’Union lors de l’accession de la Chine à l’organisation mondiale du commerce. Elle arguait également d’une erreur dans l’appréciation de la vulnérabilité de l’industrie de l’Union et de la probabilité de réapparition du préjudice.

Le litige pose la question de l’invocabilité du protocole d’accession d’un État tiers à l’organisation mondiale du commerce pour contester la légalité du droit dérivé. La juridiction devait aussi préciser si l’absence de prise en compte d’un producteur non coopérant viciait l’examen objectif de la situation économique de l’industrie. La Cour rejette le pourvoi en confirmant que les accords internationaux visés ne constituent pas des normes de référence pour le contrôle juridictionnel des règlements. L’arrêt valide également la méthode de détermination de l’industrie lésée fondée sur les seuls producteurs ayant accepté de collaborer loyalement à l’enquête administrative. L’analyse portera d’abord sur l’exclusion du droit de l’organisation mondiale du commerce comme critère de légalité puis sur la régularité de l’examen du préjudice.

**I. L’exclusion du droit de l’organisation mondiale du commerce comme critère de légalité**

La Cour rappelle que les accords internationaux ne permettent pas aux particuliers de contester directement la validité des actes de l’Union européenne.

**A. La confirmation du principe de non-invocabilité des accords internationaux**

La décision souligne que les règles de l’organisation mondiale du commerce ne figurent pas parmi les normes de contrôle de la légalité du droit dérivé. La juridiction affirme qu’admettre un tel contrôle priverait les organes législatifs de la marge de manœuvre dont disposent les partenaires commerciaux de l’Union. Elle écarte l’exception permettant d’invoquer un accord lorsque l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans ce cadre conventionnel précis. Le juge précise ainsi que « les accords de l’organisation mondiale du commerce ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits invocables ». Cette solution protège la réciprocité des avantages mutuels entre les parties contractantes sans laquelle l’équilibre des relations commerciales internationales se trouverait gravement compromis.

**B. L’affirmation de l’autonomie du législateur dans la mise en œuvre des mesures de défense**

L’arrêt considère que le règlement de base exprime la volonté du législateur d’adopter une approche propre à l’ordre juridique de l’Union européenne. La Cour estime que le renvoi général aux règles internationales dans les considérants ne suffit pas à établir une intention de transposition inconditionnelle et précise. Elle relève que l’article relatif à la valeur normale pour les pays n’ayant pas une économie de marché ne mentionne nullement le protocole d’accession. Dès lors, « cette disposition constitue l’expression de la volonté du législateur d’adopter, dans ce domaine, une approche propre à l’ordre juridique de l’Union ». Le juge refuse donc de censurer l’usage de la méthode du pays analogue malgré l’expiration alléguée de certaines dispositions transitoires du droit international. Cette autonomie normative permet aux institutions de maintenir une protection efficace contre les pratiques déloyales tout en respectant les procédures internes de l’Union.

**II. La régularité de l’examen objectif du préjudice subi par l’industrie**

Le rejet du pourvoi repose également sur la validation de la méthodologie suivie par la Commission pour évaluer la situation économique des producteurs européens.

**A. La représentativité suffisante des producteurs ayant coopéré à l’enquête**

La Cour confirme que la définition de l’industrie de l’Union peut se limiter aux seuls producteurs ayant soutenu la plainte initiale contre les importations. Le juge précise que le seuil de vingt-cinq pour cent de la production totale suffit pour établir la représentativité nécessaire au déclenchement de l’enquête. L’institution n’est pas tenue d’inclure les données de sociétés refusant de collaborer, même si leur importance sur le marché concerné paraît substantielle ou majeure. L’arrêt énonce que « la définition de l’industrie de l’Union peut être limitée aux seuls producteurs de l’Union ayant soutenu la plainte à l’origine de l’enquête ». Cette approche garantit l’efficacité des procédures de défense commerciale en évitant que l’inertie de certains acteurs ne paralyse l’action des autorités publiques compétentes.

**B. La délimitation rigoureuse des facteurs pertinents pour l’analyse prospective**

La juridiction valide l’exclusion des exportations dont il a été établi qu’elles ne causaient pas de préjudice important à la branche de production nationale. Elle rappelle que l’obligation d’examiner les autres facteurs connus ne concerne que les éléments susceptibles de contribuer effectivement à la dégradation de l’industrie. L’analyse de la menace de préjudice doit se fonder sur des éléments de preuve positifs sans pour autant exiger l’exhaustivité des sources non fiables. La Cour souligne ainsi que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques à traiter. Le juge refuse enfin de prendre en compte des données postérieures à la période d’enquête pour remettre en cause la validité de l’acte initialement adopté. Le contrôle juridictionnel se limite ainsi à vérifier l’absence d’erreur manifeste sans substituer l’appréciation du magistrat à celle de l’expert technique ou économique.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture