Par un arrêt du 28 septembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les contours de la notion de « garantie commerciale » au sens du droit de l’Union. La Cour était saisie d’une question préjudicielle par le Bundesgerichtshof, la Cour fédérale de justice allemande, dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés commerciales. En l’espèce, un distributeur d’articles de sport avait apposé sur ses produits une étiquette offrant une garantie à vie et précisant que si un client n’était pas « entièrement satisfait » du produit, il pouvait le retourner.
Une société concurrente, estimant que cette déclaration ne respectait pas les exigences d’information applicables aux garanties commerciales, a engagé une action en cessation. Après des décisions divergentes des juridictions du fond, le Tribunal régional de Munich I ayant rejeté la demande et le Tribunal régional supérieur de Munich l’ayant accueillie en appel, la Cour fédérale de justice a été saisie. Celle-ci a sursis à statuer afin de demander à la Cour de justice si la notion de « garantie commerciale », telle que définie par la directive 2011/83/UE, pouvait inclure un engagement fondé sur une circonstance purement subjective et inhérente à la personne du consommateur, telle que sa satisfaction, et, dans l’affirmative, comment l’absence de cette satisfaction devait être établie.
À la question de savoir si un engagement subordonné à la satisfaction personnelle du consommateur, sans lien avec les caractéristiques objectives du bien, constitue une garantie commerciale, la Cour de justice a répondu par l’affirmative. Elle a jugé que la notion de garantie commerciale « inclut, en tant qu’“autres éléments éventuels non liés à la conformité” […] un engagement […] portant sur des circonstances inhérentes à la personne de ce dernier, telles que sa satisfaction à l’égard du bien acheté ». La Cour a en outre précisé que l’existence de ces circonstances subjectives ne devait pas « être vérifiée de manière objective afin de mettre en œuvre cette garantie commerciale ».
La solution de la Cour consacre une conception extensive de la garantie commerciale (I), dont elle tire des conséquences pratiques significatives quant à sa mise en œuvre (II).
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I. La consécration d’une conception extensive de la garantie commerciale
La Cour de justice adopte une interprétation large de la notion de garantie commerciale, en y intégrant des critères purement subjectifs (A) et en la justifiant par une approche finaliste du droit de la consommation (B).
A. L’intégration des critères subjectifs à la définition de la garantie
La Cour de justice analyse le libellé de l’article 2, point 14, de la directive 2011/83/UE pour fonder sa solution. Cette disposition définit la garantie commerciale comme « tout engagement du professionnel » qui s’ajoute aux obligations légales de conformité. L’arrêt souligne à juste titre que l’emploi du terme « tout engagement » suggère une portée large, non restrictive. De plus, la garantie peut être activée si le bien ne répond pas aux « spécifications ou à d’autres éléments éventuels non liés à la conformité ». La Cour estime que cette dernière formule, par son caractère « neutre et générique », est susceptible d’inclure des éléments qui ne dépendent pas de l’état matériel ou des qualités intrinsèques du produit.
Ainsi, la satisfaction du consommateur, bien que relevant de son appréciation personnelle et subjective, peut légitimement constituer l’un de ces « autres éléments ». En se fondant sur une telle promesse, le professionnel s’engage sur un terrain qui dépasse la simple conformité objective du bien. Il offre une assurance supplémentaire, de nature psychologique, visant à garantir une expérience positive à l’acheteur. La Cour reconnaît donc qu’un engagement commercial peut valablement reposer sur des conditions qui lui sont extérieures et qui tiennent uniquement à la perception du consommateur, sans que cela dénature la qualification de garantie commerciale.
B. Une interprétation finaliste au service de la protection du consommateur
L’interprétation retenue par la Cour est également guidée par l’objectif de protection élevé du consommateur, qui constitue la pierre angulaire des directives 2011/83 et 2019/771. En qualifiant de garantie commerciale une promesse de type « satisfait ou remboursé », la Cour assure que de telles offres ne demeurent pas de simples arguments publicitaires dépourvus de force contraignante. Elle les soumet au régime juridique des garanties commerciales, notamment en ce qui concerne les obligations d’information précontractuelle prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/83. Le consommateur doit donc être clairement informé des conditions de cette garantie avant la conclusion du contrat.
Par cette solution, la Cour renforce la sécurité juridique des consommateurs, qui peuvent se fier à de tels engagements en sachant qu’ils sont juridiquement protégés. L’arrêt précise cependant que cette interprétation respecte également la liberté d’entreprise du professionnel. Ce dernier n’est pas contraint d’offrir une telle garantie subjective ; mais s’il choisit de le faire pour des raisons commerciales et concurrentielles, il doit en assumer les conséquences juridiques. La décision établit ainsi un juste équilibre entre la protection des consommateurs et la liberté des opérateurs économiques, conformément aux objectifs du marché intérieur.
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II. Les conséquences pratiques de la garantie de satisfaction
La qualification de l’engagement de satisfaction comme garantie commerciale emporte des effets notables sur son régime probatoire (A), ce qui renforce la portée de l’engagement du professionnel (B).
A. Le rejet de la nécessité d’une vérification objective
La seconde partie du raisonnement de la Cour porte sur les modalités de preuve de l’absence de satisfaction. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la nécessité d’établir de manière objective le sentiment subjectif du consommateur. La Cour répond à cette question par une logique imparable : un élément subjectif par nature ne peut faire l’objet d’une preuve objective. Elle affirme que « l’absence de satisfaction des attentes subjectives de ce consommateur à l’égard d’un tel bien ne peut, par définition, faire l’objet d’une vérification objective ».
Exiger du consommateur qu’il prouve par des éléments externes et vérifiables son mécontentement personnel viderait la garantie de sa substance. Une telle exigence reviendrait à transformer une condition subjective en une condition objective, ce qui serait contraire à la nature même de l’engagement pris par le professionnel. Par conséquent, la Cour conclut que « la simple affirmation en ce sens dudit consommateur doit, dès lors, être considérée comme étant suffisante ». Cette solution est la seule cohérente avec la qualification de la condition de satisfaction comme étant purement subjective et laissée à la seule appréciation de l’acheteur.
B. Le renforcement de la force contraignante de l’engagement du professionnel
En jugeant qu’une simple déclaration du consommateur suffit à activer la garantie de satisfaction, la Cour confère une force contraignante maximale à l’engagement du professionnel. L’offre commerciale, qui pouvait apparaître comme un simple slogan marketing, se transforme en une obligation juridique ferme et facilement mobilisable. Le professionnel qui promet la satisfaction de son client s’expose ainsi à devoir rembourser, remplacer ou réparer le bien sur la seule base de la déclaration de non-satisfaction de ce dernier. Il ne peut se retrancher derrière la difficulté de prouver un sentiment subjectif pour échapper à son engagement.
Cette solution a le mérite de la clarté et de la prévisibilité. Elle incite les professionnels à peser les termes de leurs publicités et de leurs déclarations de garantie. S’ils choisissent de mettre en avant un argument de vente aussi puissant que la garantie de satisfaction, ils doivent être prêts à en assumer la pleine portée. En définitive, l’arrêt renforce la confiance du consommateur dans le marché, en assurant que les promesses faites par les professionnels ne sont pas des paroles en l’air mais de véritables engagements créateurs de droits. La Cour étend d’ailleurs explicitement cette interprétation à la directive plus récente 2019/771, assurant ainsi la pérennité de sa solution.