La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 29 avril 2021, un arrêt relatif à l’interprétation de la directive 2006/126 concernant les permis de conduire. Cette décision précise les limites des prérogatives d’un État membre face à un titre délivré par une autre autorité nationale lors d’un séjour temporaire.
Un conducteur, titulaire d’un permis délivré par son État de résidence, a commis une infraction routière grave sur le territoire d’un autre État membre de l’Union. L’administration de cet État d’accueil a prononcé l’interdiction de circuler sur son sol et a ordonné la présentation du document pour y inscrire cette restriction. Saisi d’un litige relatif à cette injonction, le tribunal administratif supérieur de Bade-Wurtemberg a introduit une demande de décision préjudicielle par une ordonnance du 30 janvier 2020. La juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union autorise un État tiers à apposer une mention d’invalidité sur un permis de conduire étranger.
La Cour juge que la directive « s’oppose à ce qu’un État membre […] appose également sur ledit permis une mention portant interdiction » de conduire sur son propre territoire. L’étude de cette solution conduit à analyser l’exclusivité de compétence de l’État de résidence normale avant d’envisager les modalités de coopération entre les autorités nationales.
I. L’affirmation de la compétence exclusive de l’État membre de résidence normale
A. Le principe de l’harmonisation exhaustive du modèle de permis
La Cour rappelle que la directive opère « une harmonisation exhaustive des documents prouvant l’existence d’un droit de conduire » devant être reconnus par tous les États. Le modèle unique de permis de conduire européen vise à supprimer les multiples formats nationaux pour faciliter la circulation des citoyens au sein du marché intérieur. Cette uniformisation impose des règles strictes sur la forme et le contenu du support physique afin de garantir une apparence commune et une sécurité renforcée. L’harmonisation exhaustive des documents prouvant le droit de conduire limite la liberté d’action des autorités nationales sur les titres émis par leurs homologues européens.
B. L’interdiction de modification matérielle du titre par l’État d’accueil
Les juges soulignent que « les inscriptions figurant sur celui-ci relèvent de la compétence exclusive de l’État membre de résidence normale » du titulaire du titre de conduite. L’État de séjour temporaire ne dispose d’aucune habilitation textuelle pour modifier un document dont il n’est pas l’émetteur, malgré la commission d’une infraction routière locale. Le droit de l’Union limite le pouvoir de cet État à un simple refus de reconnaissance de la validité du permis sur son seul territoire national souverain. L’absence de disposition spécifique dans la directive empêche toute application par analogie des compétences dévolues aux autorités de la résidence habituelle du titulaire de l’autorisation.
II. La conciliation entre l’intégrité du document et l’efficacité des sanctions
A. La protection de la lisibilité européenne du titre de conduite
L’apposition d’une mention physique par une autorité incompétente nuirait à la lisibilité du document lors d’éventuels contrôles effectués dans d’autres pays de l’Union européenne. Une telle pratique pourrait engendrer des confusions regrettables pour les forces de l’ordre et porter atteinte à la sécurité juridique des conducteurs circulant hors frontières. La Cour préserve l’intégrité de la carte plastique harmonisée, laquelle ne doit subir aucune altération formelle susceptible de masquer les informations d’origine de l’autorité émettrice. La protection contre la falsification exige que seules les autorités de résidence puissent manipuler le support physique sécurisé conformément aux prescriptions techniques de la directive.
B. Le recours nécessaire à l’assistance mutuelle entre États membres
L’exécution des sanctions territoriales est garantie par « l’assistance mutuelle » prévue à l’article 15 de la directive, permettant l’échange d’informations cruciales entre les administrations nationales. L’État membre de résidence normale peut inscrire les mentions nécessaires sur le permis original à la demande expresse de l’autorité ayant constaté l’infraction routière étrangère. Le développement de la vérification électronique offre désormais aux agents de contrôle les moyens d’identifier immédiatement les interdictions de conduire sans dégrader matériellement le support physique. Cette solution équilibrée assure le respect des règles de police routière tout en sauvegardant les principes fondamentaux de la reconnaissance mutuelle des titres de transport.