Cour de justice de l’Union européenne, le 29 juillet 2010, n°C-513/09

Par la décision commentée, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur le manquement d’un État membre à ses obligations découlant du droit de l’Union. En l’espèce, une procédure avait été engagée à l’encontre d’un État membre au motif qu’il n’avait pas adopté dans le délai imparti l’ensemble des dispositions nationales nécessaires à la transposition d’une directive européenne relative aux piles et accumulateurs. La Commission européenne, en sa qualité de gardienne des traités, a initié une procédure en manquement. Après une phase précontentieuse infructueuse, au cours de laquelle l’État n’a pas régularisé sa situation malgré l’envoi d’un avis motivé, la Commission a saisi la Cour de justice afin qu’elle constate officiellement l’infraction.

La question de droit soumise à la Cour était de déterminer si la simple absence de transposition complète d’une directive à l’expiration du délai fixé constitue un manquement aux obligations qui incombent à un État membre en vertu des traités. La Cour de justice répond par l’affirmative, en jugeant que le fait pour un État de n’avoir pas pris « toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive » suffit à caractériser une violation de ses engagements européens. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui consacre une conception objective du manquement, indépendamment des justifications que pourrait avancer l’État défaillant.

L’analyse de cette décision conduit à examiner le mécanisme bien établi de la constatation du manquement d’État (I), puis à apprécier la portée d’une telle déclaration dans l’ordre juridique de l’Union (II).

I. La constatation formalisée du manquement d’État

La décision de la Cour repose sur une application rigoureuse des obligations qui pèsent sur les États membres, dont le respect est assuré par une procédure de contrôle spécifique.

A. L’obligation de transposition des directives

La directive, en vertu de l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Cette obligation de résultat implique une transposition complète et correcte dans l’ordre juridique interne. Surtout, elle doit intervenir dans le délai fixé par le texte lui-même, ce délai étant considéré comme une composante essentielle de l’obligation.

Dans la présente affaire, la Cour rappelle implicitement que l’infraction est constituée par la seule expiration du délai, sans qu’il soit nécessaire pour la Commission de démontrer une quelconque intention de l’État ou un préjudice concret. Le manquement est ainsi purement objectif. Le fait « de ne pas prendre, dans le délai prescrit, toutes les dispositions » constitue le manquement lui-même, rendant toute justification tirée de difficultés politiques, administratives ou juridiques internes parfaitement inopérante.

B. La mise en œuvre de la procédure en manquement

Le recours en manquement, prévu à l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est l’instrument principal garantissant le respect du droit de l’Union par les États membres. La décision commentée est l’aboutissement de cette procédure, qui confère à la Commission un rôle central. Celle-ci engage d’abord un dialogue avec l’État par une mise en demeure, puis formalise ses griefs dans un avis motivé, en laissant à l’État un délai pour se conformer.

Ce n’est qu’en cas de persistance du manquement que la Cour est saisie. L’arrêt illustre le caractère quasi automatique de la condamnation lorsque le manquement est matériellement constaté à la date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. La Cour ne dispose d’aucune marge d’appréciation à cet égard et ne peut que constater la violation, confirmant ainsi la nature objective et mécanique de ce contentieux pour les cas de non-transposition.

II. La portée de la sanction du manquement

La déclaration de manquement par la Cour de justice n’est pas une simple réprimande symbolique ; elle emporte des conséquences juridiques précises et constitue la première étape d’un processus potentiellement coercitif.

A. Le caractère déclaratoire de l’arrêt

L’arrêt en manquement est avant tout de nature déclaratoire. Il constate officiellement et avec l’autorité de la chose jugée que l’État membre a violé le droit de l’Union. La Cour ne prescrit pas de mesures spécifiques à prendre, n’annule pas de législation nationale et n’enjoint pas directement l’État d’agir. Elle se limite à énoncer que l’État « a manqué aux obligations qui lui incombent ».

Cette nature déclaratoire est fondamentale, car elle respecte la souveraineté de l’État tout en le plaçant face à ses responsabilités. L’obligation première qui découle de l’arrêt, en vertu de l’article 260, paragraphe 1, du traité, est pour l’État de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. La condamnation aux dépens, qui est systématique pour la partie qui succombe, constitue la seule sanction financière immédiate prononcée à ce stade.

B. Les conséquences potentielles de la condamnation

Bien que déclaratoire, l’arrêt constitue un avertissement solennel et une base juridique indispensable pour des sanctions ultérieures. Si l’État membre ne se conforme pas à l’arrêt et persiste dans son manquement, la Commission peut engager une seconde procédure, dite de « manquement sur manquement », sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, du traité.

Cette seconde phase du contentieux peut, elle, aboutir à une condamnation pécuniaire sous la forme d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte journalière. La décision commentée, par sa simplicité et sa rigueur, s’inscrit donc comme une étape nécessaire dans le mécanisme de contrainte du droit de l’Union, rappelant aux États que leur négligence à transposer les directives peut, à terme, entraîner des conséquences financières très lourdes, garantissant ainsi l’effectivité de l’ordre juridique européen.

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Hassan KOHEN
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