Cour de justice de l’Union européenne, le 29 juillet 2019, n°C-620/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 29 juillet 2019, une décision majeure relative à la responsabilité des États membres. Un candidat évincé lors d’un marché public a contesté son rejet devant les juridictions nationales sans obtenir satisfaction par les voies ordinaires. La partie requérante a ensuite sollicité la révision d’un jugement définitif en invoquant une méconnaissance manifeste d’une jurisprudence européenne antérieurement établie. La Cour de Budapest-Capitale, ayant statué en dernier ressort, a confirmé le rejet du recours en révision introduit par le soumissionnaire évincé. La juridiction de Székesfehérvár, saisie d’une action en réparation contre l’État, a décidé d’interroger la Cour sur la portée des obligations européennes. La demanderesse soutenait que l’impossibilité d’obtenir une indemnisation complète pour les fautes de la justice constituait une violation du droit au recours. Le problème juridique porte sur la compatibilité des obstacles procéduraux nationaux avec le principe de la responsabilité de l’État pour faute judiciaire. La Cour décide que l’autorité de la chose jugée ne s’oppose pas à l’engagement de la responsabilité de l’État membre concerné. L’analyse de cette solution portera sur la reconnaissance du droit à réparation avant d’étudier l’aménagement nécessaire de la stabilité des décisions juridictionnelles.

I. La consécration d’un régime de responsabilité étatique autonome

A. La primauté des conditions européennes d’engagement de la responsabilité

La responsabilité d’un État pour les dommages causés par une juridiction statuant en dernier ressort obéit à des critères fixés par la jurisprudence. Le juge européen rappelle que « les particuliers lésés ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies » impérativement. La violation doit être suffisamment caractérisée et un lien de causalité direct doit être établi entre le manquement et le préjudice allégué. Cette solution confirme que les règles nationales peuvent prévoir des conditions moins restrictives mais ne sauraient en aucun cas limiter les droits européens.

B. L’exigence d’une réparation intégrale du préjudice subi

Le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale excluant de manière générale le remboursement des frais de justice engagés par la victime. Cette restriction nationale peut « rendre, en pratique, excessivement difficile ou même impossible d’obtenir une réparation adéquate » des préjudices subis par la partie lésée. L’indemnisation doit être adéquate afin d’assurer une protection effective des droits que les particuliers retirent de l’ordre juridique de l’Union européenne. Le principe de la responsabilité étatique impose ainsi une compensation qui tienne compte de l’ensemble des conséquences dommageables subies par le demandeur. La reconnaissance de ce droit à réparation nécessite toutefois une articulation précise avec le principe traditionnel de l’autorité de la chose jugée.

II. La conciliation de l’autorité de la chose jugée avec le droit au recours

A. La préservation relative de la stabilité des décisions définitives

L’autorité de la chose jugée constitue un principe fondamental garantissant la stabilité du droit ainsi qu’une bonne administration de la justice. Les traités n’obligent pas systématiquement le juge national à écarter les règles de procédure internes conférant un caractère définitif à une sentence. L’organe juridictionnel n’est pas tenu de « revenir sur sa décision revêtue de l’autorité de la chose jugée » pour intégrer une interprétation postérieure. Cette solution préserve l’équilibre entre la protection des droits individuels et la sécurité juridique nécessaire à la pérennité des relations de droit.

B. L’extension du droit à la révision par le principe d’équivalence

L’ouverture d’un recours extraordinaire en révision dépend de l’existence d’une telle faculté pour des situations comparables relevant du seul droit interne. Si le droit interne autorise la révision pour restaurer la constitutionnalité, cette faculté doit alors « prévaloir, pour rendre la situation compatible avec le droit de l’Union ». Le respect des principes d’équivalence et d’effectivité interdit toute discrimination entre les moyens tirés du droit européen et ceux du droit national. Les juridictions internes doivent donc s’assurer que leurs procédures permettent de corriger les violations manifestes du droit de l’Union par les juges.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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