La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 29 juillet 2024, une décision majeure concernant l’incorporation de biocarburants au sein du marché intérieur. Ce litige oppose un importateur de produits pétroliers aux autorités fiscales d’un État membre au sujet des modalités de calcul d’une taxe incitative environnementale. L’administration exige la réalisation d’une analyse physique au carbone 14 pour les carburants importés issus d’un procédé de cotraitement réalisé dans un autre État. Le demandeur soutient que son usine de production utilise un système de suivi par bilan massique reconnu par la Commission européenne pour garantir la durabilité. La juridiction nationale de renvoi interroge les juges européens sur la conformité de cette exigence technique avec les directives sectorielles et le principe de libre circulation. La Cour juge que le bilan massique vise la durabilité et non la mesure physique de l’énergie, tout en censurant une mesure nationale discriminatoire pour les produits importés. Cette analyse impose d’examiner d’abord la portée technique des directives avant d’évaluer la compatibilité de la réglementation nationale avec la liberté de circulation des marchandises.
I. L’interprétation restrictive des fonctions du bilan massique
A. La spécialisation du système dans la justification de la durabilité
Les directives européennes fixent un cadre précis pour encourager l’usage des énergies renouvelables tout en imposant le respect de critères de durabilité extrêmement rigoureux. La Cour affirme que les mécanismes de bilan massique ont « pour objet d’apprécier et de justifier de la durabilité des matières premières et des biocarburants ». Ce système ne saurait être détourné de sa fonction primaire pour devenir un outil exclusif de mesure de la teneur énergétique lors du cotraitement industriel. L’interprétation retenue souligne que le système de suivi ne doit pas être confondu avec un instrument de métrologie fiscale pour le contrôle des mélanges. Cette finalité spécifique limite l’usage du bilan massique, imposant de s’interroger sur l’autonomie des méthodes d’évaluation de la teneur énergétique des carburants produits.
B. L’autonomie de l’évaluation de la teneur énergétique des carburants
La détermination de la part d’énergie d’origine renouvelable contenue dans les carburants issus de procédés complexes n’est pas régie par les systèmes de suivi européens. Par conséquent, les États membres conservent la liberté d’appliquer des méthodes de calcul nationales pourvu qu’elles respectent les objectifs généraux de transition énergétique fixés. Le juge précise que les systèmes volontaires ne doivent « non pas d’encadrer l’évaluation de la part d’énergie d’origine renouvelable » pour les besoins fiscaux. Cette distinction fondamentale permet de préserver la cohérence du régime de la durabilité sans imposer de contraintes techniques uniformes pour la fiscalité pétrolière. La distinction entre durabilité et mesure physique étant établie, il convient désormais de confronter les exigences de contrôle nationales au principe fondamental de libre circulation.
II. La censure d’une entrave discriminatoire à la libre circulation
A. La caractérisation d’une mesure d’effet équivalent à une restriction
L’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibe toute mesure nationale susceptible d’entraver directement ou indirectement les échanges commerciaux entre les États membres. L’imposition d’une analyse au carbone 14 aux seuls produits importés crée une discrimination injustifiée par rapport aux carburants nationaux soumis à des contrôles moins contraignants. Cette différence de traitement technique « s’oppose à une réglementation d’un État membre » lorsqu’elle entraîne des coûts supplémentaires dissuasifs pour les importateurs de biocarburants. Néanmoins, l’entrave est d’autant plus manifeste que les autorités acceptent des méthodes simplifiées pour les productions locales mises à la consommation directement en sortie d’usine. Cette rupture d’égalité sur le marché intérieur nécessite une remise en cause de la légitimité des contrôles physiques redondants face aux certifications européennes.
B. L’opposabilité des systèmes de certification reconnus par l’Union
L’utilisation d’un système volontaire reconnu comme complet par la Commission européenne confère une présomption de fiabilité aux informations transmises par les opérateurs économiques étrangers. Enfin, les autorités nationales ne peuvent ignorer ces garanties européennes pour imposer des formalités redondantes qui nuisent à la fluidité du marché unique des carburants. La protection du marché intérieur exige la suppression des obstacles administratifs qui ne sont pas strictement nécessaires à la vérification de l’origine des composants renouvelables. La primauté du droit de l’Union assure que les entraves administratives ne viennent pas entraver les objectifs climatiques globaux par des exigences purement bureaucratiques. La Cour garantit ainsi que les mécanismes de reconnaissance mutuelle prévalent sur les particularismes techniques nationaux afin de favoriser la libre circulation des énergies vertes.