La Cour de justice de l’Union européenne, en Grande chambre, a rendu le vingt-neuf juin deux mille seize une décision majeure concernant l’application du principe ne bis in idem. Ce jugement précise les conditions de validité d’une décision de clôture des poursuites pénales au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Un individu est soupçonné d’avoir commis une extorsion aggravée en Allemagne avant d’être interpellé dans un autre État membre pour une cause distincte. Le ministère public de cet État ouvre une enquête mais la clôture faute de preuves, sans entendre la victime ni les témoins résidant à l’étranger. L’intéressé est plus tard arrêté sur le territoire allemand, ce qui provoque un conflit sur l’autorité de chose jugée de la décision de classement précédente. Le tribunal régional supérieur de Hambourg interroge alors la juridiction européenne sur la possibilité de poursuivre l’inculpé malgré cette clôture de procédure étrangère. La Cour doit déterminer si une décision de classement sans instruction approfondie constitue un jugement définitif au sens de la convention d’application de l’accord de Schengen. Elle juge qu’une telle décision n’empêche pas de nouvelles poursuites, car elle ne résulte pas d’une appréciation portée sur le fond de l’affaire. L’étude de la décision suppose d’analyser le caractère conditionnel de l’extinction de l’action publique avant d’envisager la préservation nécessaire de l’espace de sécurité européen.
I. Le caractère conditionnel de l’extinction de l’action publique
A. La soumission au droit de l’État membre de la décision L’application du principe ne bis in idem requiert d’abord que l’action publique soit définitivement éteinte selon les règles juridiques de l’État ayant statué. Cette appréciation repose sur le droit interne de l’autorité nationale, indépendamment de la forme de la décision ou de l’intervention d’un juge de siège. En l’espèce, la réglementation de l’État d’origine accorde à l’ordonnance de clôture du procureur une autorité mettant fin aux poursuites, sauf découverte d’éléments nouveaux. La nature administrative ou judiciaire du ministère public ne fait pas obstacle à la qualification de jugement définitif si le droit national lui confère ce pouvoir.
B. L’exigence impérative d’un examen substantiel des faits La juridiction européenne exige que la décision interdisant de nouvelles poursuites soit intervenue après une « appréciation portée sur le fond de l’affaire » concernée. Une clôture de procédure fondée sur une simple carence de preuves ne peut constituer un obstacle aux poursuites si aucune investigation sérieuse n’a été menée. Le juge vérifie si les faits ont été matériellement examinés pour garantir que la vérité judiciaire correspond à une réalité dûment constatée par les autorités répressives. Une motivation révélant l’absence de confrontation des témoignages essentiels prive la décision de son caractère définitif au sens du droit de l’Union européenne.
L’analyse de l’examen au fond conduit naturellement à s’interroger sur l’équilibre entre la protection des droits individuels et l’efficacité de la lutte contre la criminalité.
II. La préservation de l’espace de sécurité par la confiance mutuelle
A. La limitation de l’immunité aux procédures diligentes Le principe de libre circulation ne doit pas se transformer en un instrument d’impunité pour les suspects circulant entre les différents États membres de l’Union. La Cour rappelle qu’il faut « éviter, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice », qu’une personne déjà jugée soit poursuivie plusieurs fois inutilement. Cette protection ne s’applique toutefois pas lorsque le comportement délictueux n’a fait l’objet d’aucune instruction réelle permettant d’établir ou d’infirmer la culpabilité. L’objectif de prévention de la criminalité justifie que le droit au ne bis in idem soit réservé aux décisions ayant fait l’objet d’une diligence suffisante.
B. La nécessaire collaboration des autorités répressives nationales La confiance mutuelle entre les systèmes de justice pénale suppose que chaque État accepte l’application du droit pénal en vigueur chez ses partenaires européens. L’absence d’audition de la victime constitue un « indice qu’une instruction approfondie n’a pas été menée », affaiblissant ainsi la légitimité de la confiance accordée. Les autorités judiciaires nationales conservent le pouvoir de poursuivre une infraction si la décision étrangère invoquée témoigne d’une méconnaissance manifeste des exigences de vérité. Cette solution garantit la cohérence de l’espace judiciaire européen en subordonnant la sécurité juridique au respect minimal des devoirs de l’enquête par le ministère public.