Cour de justice de l’Union européenne, le 29 novembre 2007, n°C-34/07

Par un arrêt du 19 juin 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a constaté un manquement d’État. En l’espèce, il était reproché au Grand-Duché de Luxembourg de ne pas avoir adopté, dans le délai qui lui était imparti, les mesures nationales nécessaires à la transposition de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Suite à la phase précontentieuse réglementaire, une procédure juridictionnelle fut engagée devant la Cour de justice par l’institution garante de l’application des traités. Le problème de droit soumis aux juges consistait à déterminer si l’omission par un État membre de prendre les dispositions internes de transposition d’une directive dans le délai prescrit constitue une violation de ses obligations découlant du droit communautaire. La Cour répond à cette question par l’affirmative, en énonçant que « en n’ayant pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive ». Cette solution, qui peut paraître évidente, réaffirme avec force les mécanismes fondamentaux qui régissent l’ordre juridique de l’Union (I). Elle souligne également la nature spécifique et la fonction essentielle du contentieux en manquement (II).

I. La caractérisation du manquement à l’obligation de transposition

La décision commentée rappelle le caractère impératif des obligations qui pèsent sur les États membres en matière de transposition des directives (A). Le manquement est alors constaté sur la base d’une simple vérification matérielle de l’omission de l’État (B).

A. La force obligatoire de la directive

En vertu des traités constitutifs, la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Cette obligation de résultat impose à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine effectivité de la directive dans son ordre juridique interne. La fixation d’un délai de transposition est un élément essentiel de cet instrument, car elle vise à garantir une application simultanée et homogène du droit de l’Union sur tout son territoire. L’expiration de ce délai sans que les mesures adéquates aient été adoptées suffit à elle seule à caractériser une situation de non-conformité. Le manquement est donc constitué indépendamment de toute intention ou de toute faute de l’État défaillant.

B. La constatation objective de l’omission

Le raisonnement de la Cour de justice dans ce type d’affaire est particulièrement sobre. Elle se limite à une constatation objective et matérielle de la situation. Les juges vérifient d’une part l’existence d’une obligation claire et inconditionnelle, à savoir la transposition de la directive 2003/109/CE avant l’expiration du délai. D’autre part, ils vérifient si l’État membre a effectivement communiqué les mesures de transposition requises. En l’absence de telles mesures, le manquement est mécaniquement établi. Comme le formule l’arrêt, le fait de « n’ayan[t] pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions […] nécessaires » constitue en lui-même la violation. Les éventuelles difficultés d’ordre interne, qu’elles soient politiques, administratives ou juridiques, ne peuvent être invoquées par un État pour justifier son inaction et échapper à sa responsabilité.

II. La portée de l’arrêt en constatation de manquement

Au-delà du cas d’espèce, la décision illustre la fonction primordiale du recours en manquement comme garantie de l’effectivité du droit de l’Union (A). La nature de l’arrêt rendu en révèle également la portée, qui est avant tout déclaratoire (B).

A. Un mécanisme garant de l’ordre juridique de l’Union

Le recours en manquement constitue la clé de voûte du système de contrôle du respect par les États membres de leurs obligations. Il permet à l’institution gardienne des traités, puis à la Cour de justice, de s’assurer que les normes de l’Union ne restent pas lettre morte. En sanctionnant l’inertie d’un État, la Cour préserve l’intégrité et l’uniformité de l’ordre juridique communautaire. Sans ce mécanisme coercitif, les droits que les directives créent pour les particuliers risqueraient d’être privés de toute substance, créant des disparités inacceptables entre les ressortissants des différents États membres. La présente décision, bien que rendue dans une affaire simple, est une manifestation de cette fonction essentielle de maintien de la légalité communautaire.

B. Le caractère déclaratoire du jugement

L’arrêt de la Cour de justice se borne à constater l’existence du manquement. Il a un caractère purement déclaratoire. Il n’annule aucune norme nationale, ni n’enjoint formellement à l’État de prendre des mesures spécifiques dans le dispositif même de l’arrêt. La seule condamnation prononcée, outre celle aux dépens, est la déclaration solennelle de la violation du droit de l’Union. Cependant, la portée de cet arrêt n’est pas seulement symbolique. En vertu de l’article 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’État dont le manquement a été constaté est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour. S’il ne se conforme pas à l’arrêt, il s’expose à une nouvelle procédure pouvant aboutir, cette fois, au prononcé de sanctions pécuniaires sous la forme d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.

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Hassan KOHEN
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