La Cour de justice de l’Union européenne rend le vingt-huit octobre deux mille vingt et un une décision relative à l’exigibilité de la taxe. Un agent sportif négocie le placement de joueurs de football professionnel auprès d’un club employeur. Sa commission est versée semestriellement sur plusieurs années sous condition que le joueur demeure sous contrat. L’administration fiscale notifie un redressement en considérant que la taxe est due intégralement dès le placement initial. Le prestataire soutient que l’exigibilité ne survient qu’au moment de la perception effective des commissions. La juridiction fédérale des finances allemande interroge la Cour sur l’interprétation des dispositions communautaires régissant le fait générateur. Le litige porte sur la compatibilité d’une avance de taxe sur plusieurs années avec les principes d’égalité et de proportionnalité. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à l’exigibilité de la taxe au jour du placement pour de tels services. L’analyse de l’exécution successive du service précédera celle de la préservation de la neutralité fiscale.
I. La détermination du fait générateur lors de prestations de services successives
A. L’assimilation de la prestation à un service donnant lieu à des paiements échelonnés
L’article soixante-quatre de la directive prévoit que les services donnant lieu à des paiements successifs sont considérés comme effectués à l’expiration des périodes de versement. La Cour relève qu’une prestation consistant à négocier un placement pour plusieurs saisons et rémunérée par tranches correspond à ce schéma. Elle précise que cette situation concerne des services dont « la contrepartie financière de certaines parties d’une prestation économiquement séparable est convenue séparément ». Le juge européen s’attache à la réalité économique de la convention conclue entre l’agent et le club professionnel. Cette approche permet de lier l’exigibilité de l’impôt à la structuration temporelle de la rémunération contractuelle.
B. L’éviction de l’exigibilité totale au moment du placement initial
L’administration fiscale prétendait que la prestation était intégralement exécutée lors du succès du placement initial du joueur de football professionnel. La Cour écarte cette interprétation en combinant les articles soixante-trois et soixante-quatre du texte européen applicable. Elle affirme que le fait générateur « doit être regardé comme intervenant non pas à la date du placement, mais à l’expiration des périodes ». Le versement de la commission demeure en effet conditionné au maintien du contrat de travail du sportif sur plusieurs années. Une exigibilité totale immédiate méconnaîtrait le mécanisme des décomptes successifs prévu explicitement par la législation communautaire. La solution ainsi retenue garantit une corrélation entre l’exécution du service et la perception effective des fonds.
II. La protection de la neutralité fiscale de l’assujetti collecteur
A. Le refus d’une avance de taxe disproportionnée pour le prestataire
Le juge européen examine les conséquences financières pour l’assujetti qui doit agir en tant que collecteur de taxes pour le compte du Trésor. Il souligne que la directive « s’oppose à ce que le fait générateur et l’exigibilité de la taxe soient regardés comme intervenant à la date du placement ». Exiger le paiement total de la taxe dès l’origine forcerait le prestataire à faire l’avance de fonds non encore perçus. Cette situation serait contraire au principe de proportionnalité, surtout lorsque les sommes sont dues deux ans après l’intervention du fait générateur. La Cour protège ainsi la trésorerie des entreprises face à des dettes fiscales prématurées et potentiellement irrécouvrables.
B. La limitation des prérogatives étatiques en matière de recouvrement anticipé
L’arrêt précise le cadre juridique applicable aux intermédiaires dont la rémunération est étalée dans le temps. La Cour confirme que le droit à réduction de la base d’imposition prévu à l’article quatre-vingt-dix n’a pas vocation à s’appliquer par anticipation. La régularisation ne doit pas être effectuée dès la période d’exigibilité initiale si le montant n’est pas encore échu. La solution sécurise le régime des prestations de services complexes en évitant des rectifications systématiques en cas de rupture anticipée du contrat. Les États membres ne peuvent donc pas imposer une perception hâtive de la taxe sur des revenus purement hypothétiques. Cette décision renforce la prévisibilité fiscale pour l’ensemble des agents économiques opérant dans des secteurs à rémunération différée.